Rien n’est encore définitivement décidé, mais tout laisse à penser que la Chancelière allemande Angela Merkel et ses partenaires politiques songent sérieusement à prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires (CN) allemandes. En s’inclinant devant le lobby nucléaire, Mme Merkel pourrait fort bien se faire trébucher elle-même. En prolongeant la durée d’exploitation des CN, le gouvernement allemand menacerait en effet son propre objectif d’une production de courant sûre, basée sur les énergies renouvelables.


Angela Merkel à la conférence de Copenhague sur le climat. ©Greenpeace/Beentjes

Le gouvernement allemand a déclaré à de nombreuses reprises vouloir assurer l’avenir électrique de l’Allemagne par le biais des énergies renouvelables exclusivement – le Ministère allemand de l’environnement est convaincu que c’est possible d’ici 2050. La production allemande de courant provenant de sources renouvelables a massivement augmenté ces dernières années. Le gouvernement indique ainsi qu’en 2009, la part des renouvelables dans la consommation de courant était de plus de 16%. Il veut que la rétribution à prix coûtant du courant injecté aide à faire grimper cette part à 30% en 2020. En prolongeant la durée d’exploitation des CN, Mme Merkel mettrait cet objectif en péril, car promouvoir l’énergie nucléaire revient à freiner l’expansion des renouvelables.

La prolongation de l’exploitation des CN provoque de l’incertitude sur les marchés et empêche d’autres investissements dans des installations éoliennes, solaires et exploitant la biomasse. L’énergie nucléaire entrave aussi le développement des renouvelables pour des raisons techniques liées au réseau de distribution, car le courant nucléaire et le courant renouvelable y cohabitent mal. La production d’électricité éolienne et solaire subit en effet des variations dans le temps et doit être complétée par la production de centrales électriques flexibles. Or il n’est pas possible d’enclencher et déclencher à volonté des CN et des centrales à gaz; elles produisent en permanence d’énormes quantités d’électricité que leurs exploitants veulent, bien évidemment, vendre. Ce faisant ils entravent – comme c’est le cas en Espagne – la progression des énergies renouvelables.

Si le gouvernement allemand veut atteindre son objectif ambitieux et visionnaire d’un approvisionnement électrique complètement renouvelable d’ici 2050, il doit poursuivre avec persévérance sur la même voie que jusqu’ici et ne pas conclure de compromis douteux avec le lobby nucléaire. La population allemande veut que les vieilles CN allemandes cessent de fonctionner aussi vite que possible. Espérons que Mme Merkel ne décidera pas de s’incliner devant le lobby nucléaire à un moment jugé opportun d’un point de vue électoral. En Suisse, Axpo, Alpiq et consorts se réjouiraient en effet beaucoup qu’elle trébuche.