Le 25 mars dernier, une fuite de gaz s’est déclenchée sur la plateforme Elgin-Franklin, exploitée par Total au large de l’Écosse. Du méthane s’échappe depuis directement dans l’atmosphère. Les 200 personnes travaillant sur l’installation ont dû être évacuées. La fuite est toujours en cours, et risque de durer plusieurs mois.


Les risques concernent avant tous les humains à proximité, mais cela ne signifie pas pour autant que la catastrophe n’aura pas de conséquences pour l’environnement. ©Greenpeace/Langer

Sur cette plateforme, située à 240 kimomètres à l’est d’Aberdeeen, Total exploite à la fois du gaz et du pétrole, dans des conditions extrêmement difficiles. Si le fond de l’océan n’est qu’à 93 mètres de profondeur, la poche de gaz exploitée se trouve elle 5’000 mètres sous le fond de la mer. Résultat, le gaz monte à une pression de 1’100 bars et à une température de 190°. Ce n’est pas pour rien que Total appelle cette installation « le puits de l’enfer ». Par comparaison, la pression dans le puits de Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, théâtre de la pire marée noire des États-Unis, en 2010, était de 800 bars. Ces conditions extrêmes poussent l’entreprise à aller à la limite des technologies utilisées, malheureusement sans prendre sérieusement en compte les risques pour l’environnement. Si Total ne trouve pas rapidement une solution pour colmater la fuite, elle devra en passer par la réalisation d’un puits de secours, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

Ce grave incident montre que Total n’est pas à l’abri du risque en exploitant des hydrocarbures en mer, pas plus que n’importe quelle autre compagnie pétrolière. Suite à Deepwater Horizon, le groupe français s’est vanté, à tort, de sa soi-disant grande exigence en matière de sécurité. On sait pourtant que même en l’absence d’incidents, 10’000 tonnes de pétrole se répandent annuellement en mer du Nord à cause de l’activité des plateformes pétrolières. De plus on estime que plus de 100 fuites de gaz ont eu lieu sur les installations de la région entre 2009 et 2010 et un grand nombre d’accidents sont passés sous silence car les employés craignent de perdre leur travail.

Le méthane étant un gaz à la fois très explosif et très toxique, les risques liés à cette fuite concernent avant tous les humains stationnés à proximité. Raison pour laquelle Shell a également évacué deux plateformes situées à environ 5 miles d’Elgin-Franklin. En 1988, un accident similaire avait causé la mort de 167 personnes sur une installation nommée Piper Alpha, également située dans la région.

Mais cela ne signifie pas pour autant que la catastrophe n’aura pas de conséquences pour l’environnement. Le méthane est un gaz à effet de serre dont l’impact sur le climat est 25 fois plus dévastateur que celui du CO2. Et la biodiversité marine risque d’être victime de la toxicité de ce gaz, notamment les mammifères marins qui remontent à la surface pour respirer. Total, qui depuis le début de la crise affirme qu’elle ne présente pas de danger pour l’environnement, devra en apporter la preuve.

Enfin on ne peut qu’imaginer avec effroi les conséquences que pourrait avoir un évènement similaire en Arctique où les principales compagnies pétrolières de la planète envisagent d’exploiter à grande échelle les hydrocarbures rendus disponibles par la fonte des glaces. Une marée noire dans ces régions aurait des effets désastreux sur un écosystème d’une richesse inouïe, et déjà mis à rude épreuve par le réchauffement climatique. La présence de glace rend pratiquement impossible les mesures classiques mise en œuvre en cas de marée noire, et peut retarder de près d’un an la réalisation d’un puits de secours, laissant les hydrocarbures se répandre librement dans l’océan. Il est urgent de se rendre compte des risques toujours plus grand que nous faisons subir à l’environnement pour exploiter les dernières réserves de pétrole.