Au cœur de la grande forêt tropicale de la République démocratique du Congo, les tronçonneuses font entendre leur vrombissement. Une lourde machinerie ronfle et gronde, celle des exploitants forestiers en train d’ouvrir leur route en pleine forêt dense. Trois enquêtes, récemment publiées, ont confirmé que la plupart des activités d’exploitation forestière est illégale – et que tous les grands acteurs de l’industrie sont derrière celles-ci.


L’absence de loi est la meilleure amie des exploitants forestiers. ©Greenpeace/Chauveau

Cela inclut des membres de la Fédération des Industriels du Bois (FIB), le tout-puissant lobby dans le pays, des exploitants forestiers multinationaux qui exportent la majeure partie du bois congolais vers les marchés européens. Les inspecteurs forestiers ont obtenu des preuves selon lesquelles les entreprises forestières dépassent leurs volumes d’exploitation, trichent sur leurs impôts, opèrent bien au-delà de leurs permis et falsifient leurs dossiers pour échapper à la loi.

Ceci est une confirmation indépendante que les entreprises forestières agissent en toute impunité. Quelques unes des infractions les plus flagrantes commises par les plus grandes entreprises ont été démasquées dans les nouveaux rapports, notamment:
– jusqu’en 2012, l’entreprise suisse (aujourd’hui américaine) nommée SIFORCO a dépassé son volume d’exploitation autorisé de façon « quasi-systématique et massive »;
– la SODEFOR, filiale du Groupe Norsudtimber (NST), enregistrée au Liechtenstein, a falsifié les marquages du bois, et n’a pas réussi à fournir aux inspecteurs tous les papiers importants qui leur étaient exigés;
– la filiale de l’entreprise libanaise Congo Futur, TRANS-M, devait plus de 150’000$ de taxes… trois mois avant que le Ministère ne lui accorde un gel d’impôts de 25 ans;
– la NST, une filiale de CFT a procédé à l’abattage d’arbres à 12 km en dehors de sa concession, à l’intérieur de la concession d’une autre filiale de NST.

L’absence de loi est la meilleure amie des exploitants forestiers. Un arrêté publié en 2011, jamais appliqué, exige que tous les contrats des concessions forestières et les clauses sociales soient publiés. Jusqu’à présent, le Ministère de l’Environnement n’a publié que 24 contrats et clauses sociales, alors qu’au moins trois fois ce nombre peut avoir été signé il y a longtemps. Les clauses sociales postées en ligne sur le site Internet du Ministère, sont inadéquates et contestées par les communautés – laissant de sérieux doutes quant au contenu d’un grand nombre d’entre elles encore non publiées.

Il est manifeste que le gouvernement congolais est en train de prendre des mesures pour assainir le secteur forestier, comme cela a été démontré par l’annulation de plusieurs permis illégaux dans les provinces du Bandundu et de l’Equateur. En outre, le gouvernement congolais veut signer un Accord de Partenariat Volontaire avec la Commission Européenne pour le commerce du bois légal vers le marché européen. Malheureusement, cela reste un rêve lointain. Sur le terrain rien n’a changé. Le chaos règne dans l’exploitation des forêts.

La loi de l’Union Européenne sur le bois (EUTR), qui entrera en vigueur au mois de mars prochain, va interdire l’entrée du bois illégal sur le marché européen et exige aux opérateurs de vérifier et d’atténuer les risques de bois illégal avec un système de légalité et de traçabilité.

Les rapports de l’Observateur Indépendant révèlent clairement que le bois congolais est à haut risque, et Greenpeace doute sérieusement qu’il soit possible aux marchands de bois en Europe de commercialiser du bois congolais en conformité avec la nouvelle règlementation sur la traçabilité des grumes.

Enfin, un peu de lumière jette une clarté sur ce qui se passe réellement dans la forêt congolaise. Le Gouvernement congolais doit agir par rapport à toutes ces informations, les bureaucrates européens et les agences chargées de l’application de la nouvelle loi, doivent prêter attention – sinon les tronçonneuses continueront à vibrer illégalement dans la forêt.