Le 3 novembre dernier, les Etats-Unis ont « amicalement » offert leur aide aux autorités japonaises pour le démantèlement des réacteurs accidentés de Fukushima et pour la gestion des eaux radioactives qui s’accumulent sur le site de la centrale. Ils posent toutefois une condition préalable à ce soutien: le Japon doit rejoindre la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Il s’agit d’un traité international dont le but est de définir les responsabilités en cas d’accident nucléaire. Ce document est sensé établir qui paie quoi en cas de problème.


Pour les Etats-Unis, il s’agit de sauver un secteur d’activité qui meurt à petit feu. ©Greenpeace/Oda

Mais le vrai but de cet accord est de protéger l’industrie nucléaire. Il prévoit des frais ridiculement bas en cas d’accident et il exempte les compagnies qui produisent les réacteurs et les différents éléments des centrales de toute responsabilité. Elles n’auraient donc rien à payer en cas d’accident. Seuls les exploitants des centrales pourraient être contraints à verser des dommages et intérêts. Mais cette Convention les protège également, car elle ne les oblige pas à provisionner suffisamment d’argent pour faire face aux coûts d’une catastrophe.

Depuis ses débuts il y a plus de 60 ans, l’industrie nucléaire a toujours été protégée par les gouvernements, de façon à ne pas avoir à payer pour les frais induits par leurs erreurs. Les autorités politiques ont mis en place un système qui protège les bénéfices des entreprises du nucléaire et force les victimes des accidents à assumer les coûts des accidents. General Electric, Hitachi et Toshiba, les plus grands producteurs de réacteurs nucléaires au monde ne paient rien si un accident survient dans un réacteur qu’ils ont produit. Et ce, quelle qu’en soit la cause.

Fukushima illustre cruellement cet état de fait. General Electric a conçu les réacteurs et les a construits avec Toshiba et Hitachi. Pourtant ces compagnies ne sont pas juridiquement responsables en cas d’accident. Ce sont les contribuables qui finissent par renflouer l’industrie nucléaire. Pire, Tepco vient d’annoncer ses premiers bénéfices depuis le début de la catastrophe de Fukushima. Ils s’élèvent à 1.44 milliard de dollars. Simultanément, l’entreprise annonçait ne pas prendre en charge les frais induits par la décontamination des alentours de la centrale accidentée, qui s’élèvent à plus de 30 milliards de dollars.

Le gouvernement japonais envisage de couper Tepco en deux et de remettre la gestion de la situation à Fukushima à une administration indépendante. Ce serait donc l’État qui se substituerait à l’exploitant de Fukushima et les contribuables qui passeraient à la caisse. Pourtant la loi japonaise dit bien que c’est à Tepco d’assumer les frais, mais l’entreprise refuse cela et le gouvernement laisse faire.

Maintenant le gouvernement doit faire face au chantage des Etats-Unis qui souhaitent profiter de la situation pour obtenir du Japon qu’il signe la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Pour les Etats-Unis, il s’agit de sauver un secteur d’activité qui meurt à petit feu. Les autorités étatsuniennes font tout pour obtenir la ratification de cette convention par des pays qui pourraient devenir des débouchés pour son industrie nucléaire: l’Inde, le Canada et la Corée du Sud, notamment. Si le Japon rejoint cette Convention il ne subsisterait que peu de chances de voir General Electric poursuivi pour sa responsabilité dans la catastrophe de Fukushima. De plus, le pays redeviendrait un marché intéressant pour les entreprises actives dans le nucléaire au pays de l’Oncle Sam.

Le secteur du nucléaire est en plein déclin. Pour survivre, il continue de vouloir échapper à ses responsabilités. Au regard du coût gigantesque de la gestion de la situation de Fukushima, c’est inadmissible. Ce sont les pollueurs qui doivent payer, pas les victimes.