Dans le conflit qui oppose deux habitants des zones d’urgence 1 et 2 de la centrale nucléaire de Mühleberg et l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), le Tribunal fédéral a donné raisons aux riverains et s’est prononcé contre la toute-puissance de l’IFSN. La cour confirme donc le verdict précédemment prononcé par le Tribunal administratif fédéral.


La centrale de Mühleberg. ©Greenpeace/ExPress/Forte (Archives)

« C’est un développement réjouissant en ce qui concerne la protection de l’environnement et le droit afférant aux questions nucléaires.La protection juridique des citoyens habitants à proximité des centrales nucléaires est renforcée par ce verdict », déclare Martin Pestalozzi, l’avocat des deux riverains, après l’audience de ce matin. Ces derniers demandaient pour leur sécurité personnelle une décision opposable afin de savoir si l’installation de pompes mobiles pour le système de refroidissement d’urgence de la centrale de Mühleberg pouvait être autorisée par l’IFSN. « Ce qui est d’autant plus réjouissant, c’est que le Tribunal fédéral a également pris en considération le concept de danger potentiel », ajoute Martin Pestalozzi.

« C’est une bataille importante remportée pour l’état de droit, mais le combat difficile pour la sécurité de la population continue », dit encore Martin Pestalozzi. « La surveillance du nucléaire en sort renforcée, car les décisions de l’IFSN peuvent dorénavant aussi être remises en cause par les citoyens habitants à proximité des centrales nucléaires, et non plus seulement par les entreprises exploitantes. Mais on ne pourra parler de véritable gain en matière de sécurité qu’une fois que le recours des deux riverains sera traité et approuvé. »

Le Tribunal fédéral a pris près d’un an pour se prononcer sur ce qui constitue une simple question procédurale, alors que la sécurité ne devraient souffrir d’aucun retard. Markus Kühni, l’un des deux riverains, se voit confirmé dans la première étape de sa démarche. « Enfin une victoire pour l’état de droit dans le domaine du nucléaire! L’arbitraire doit également cesser pour l’IFSN. Nous allons désormais démontrer que cette centrale nucléaire n’est pas sûre. Mais cela ne doit pas empêcher les bernois de voter oui à l’initiative « Mühleberg à l’arrêt » le 18 mai prochain »

« Le  verdict du Tribunal fédéral est un terrible désaveu pour l’IFSN », déclare Florian Kasser,  le chargé de campagne nucléaire de Greenpeace Suisse. « L’autorité de surveillance a essayé de réduire la protection juridique des riverains au lieu d’analyser correctement la sécurité de la centrale nucléaire. L’IFSN doit profondément modifier sa façon d’agir. Au lieu de toujours prendre fait et cause pour les exploitants des centrales, cette institution doit désormais se mettre au service de la population suisse. »


Résumé du cas

A la suite de la catastrophe de Fukushima de mars 2011, il a fallut vérifier la résistance des centrales nucléaires suisse par rapport à des menaces externes. Il existe un cadre légal précis, basé sur des normes internationales, qui encadre les démonstrations de sécurité liées à des risques d’inondations ou de tremblements de terre. Selon les deux riverains qui ont lancé la procédure, ce cadre légal n’aurait pas été respecté dans le cas de la centrale nucléaire de Mühleberg, car l’utilisation de pompes mobiles a été acceptée par l’ l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Rappelons qu’en l’absence de démonstration de sécurité satisfaisante, les centrales nucléaires doivent être mises hors service.

En mars 2012 et suite à un premier échange de courrier, les deux riverains, habitant des zones d’urgence 1 et 2,  ont essayé de contraindre légalement l’IFSN à corriger son erreur.  Après plus de six mois d’attente, l’IFSN confirmait en octobre 2012 aux riverains qu’elle n’entrerait pas en matière sur leur requête car elle n’admettait pas sa légitimité. Suite à cette annonce, les riverains ont porté l’affaire devant le Tribunal administratif fédéral, qui leur a donné raison en février 2013. Le verdict obligeait l’IFSN à entrer en matière et à produire les documents demandé. L’argumentation développée par l’autorité de sûreté ayant été entièrement rejetée, l’IFSN a décidé de combattre cette décision devant le Tribunal fédéral.