Un rapport Greenpace sur la situation au Brésil montre comment des arbres fictifs, inventés par l’industrie, cachent le commerce illégal de bois. Une erreur systémique qui menace toute l’Amazonie. Le commerce de bois est une affaire lucrative et la corruption largement répandue. Greenpeace exige des mesures plus sévères dans la lutte contre l’abattage illégal. Pour protéger les forêts – et l’humanité.

Que vaut le bois ? Des forêts saines et naturelles sont évidemment irremplaçables pour le climat, et dans ce sens, le bois n’a pas de prix. Mais il y a aussi des faits parfaitement tangibles. Dans un port, un mètre cube d’ipé, un bois d’Amazonie très prisé, débité et prêt à l’emploi, peut se vendre 2’000 Euros. C’est un commerce très profitable que de nombreux marchands de bois ne veulent pas laisser perturber par des considérations environnementales. Un nouveau rapport Greenpeace dévoile les stratégies dans le secteur du bois au Brésil. Il montre en particulier comment le bois abattu illégalement reçoit les attributs de la légalité.

Cela fait longtemps que Greenpeace observe les défrichements illégaux au Brésil, particulièrement dans les forêts anciennes d’Amazonie. La perte de la biodiversité et une destruction croissante de la forêt ont un impact destructeur sur l’environnement. La guerre du bois a également une effrayante composante sociale, car les propriétaires de terres sont souvent expropriés avec une violence inouïe, les habitants chassés, battus, torturés, tués. Les bois nobles brésiliens ne sont souvent pas seulement abattus illégalement, du sang les souille dans de nombreux cas – la trace mène jusqu’en Europe.

Le rapport Greenpeace « Imaginary Trees, Real Destruction » explique pourquoi il est si difficile de distinguer le bois illégal du bois légal. Et le problème grandit, alors qu’il y a des mesures de protection étatiques contre le défrichement illégal, mais elles sont faibles et sont à peine contrôlées. C’est la porte ouverte à tous les abus.

Des arbres fantômes
Cela vient du fait que les entreprises forestières recensent elles-mêmes les peuplements des régions pour lesquelles elles demandent un permis de défrichement, par exemple pour de l’ipé. Cela signifie qu’elles estiment le bois qui s’y trouve. Greenpeace révèle que de nombreuses entreprises forestières surestiment systématiquement ces peuplements dans un but criminel en exagérant, en identifiant mal les arbres ou simplement en les inventant. Ces chiffres permettent aux entreprises de recevoir une sorte d’avoir de la part des autorités environnementales sur la quantité de bois maximale qu’elles peuvent transporter et vendre.

La différence entre le bois effectivement présent et celui qui existe sur le papier donne une marge de manœuvre aux entreprises forestières. Dans les scieries, elles comblent cette différence avec du bois abattu illégalement – généralement sans éveiller de soupçons. Du bois illégal et légal se retrouve donc dans la même chaine de traitement et il n’est plus possible de les distinguer à cause d’une erreur de système qui se produit bien avant le passage dans la scierie.

Pour rédiger son rapport, Greenpeace a examiné des centaines de documents du Service de l’environnement de l’Etat du Para, un des Etats fédérés qui constituent le Brésil. Les documents de demande d’autorisation de défrichement comportaient parfois des chiffres absurdes. Plus de trois quarts des documents comportaient des différences frappantes. Certains cas annonçaient des peuplements dix fois plus élevés que ce qui est réaliste en fonction des recensements scientifiques sur place.

Responsabilité partagée
Le problème n’est pas que brésilien, l’Europe y joue aussi un rôle en tant qu’important acheteur. Entre mars 2016 et septembre 2017, onze pays européens ont importé près de 10’000 mètres cubes d’ipé provenant de régions dans lesquelles Greenpeace soupçonne que des irrégularités sont commises.

Mais comme la directive européenne sur le commerce du bois ne s’occupe que de la responsabilité du premier qui met en circulation (donc l’importateur, mais pas le revendeur), la marchandise importée illégalement dans l’UE peut très bien se retrouver sur le marché. Les pays européens doivent donc s’efforcer de lutter avec plus de moyens contre le trafic de bois illégal.

Greenpeace exige du gouvernement brésilien qu’il vérifie tous les plans d’exploitations forestières et de suspendre ceux où des tromperies sont avérées. Il faut un système transparent et centralisé d’octroi de licences de défrichement, ainsi qu’une surveillance resserrée de toutes les étapes de production. L’espoir selon lequel le marché lui-même pourrait limiter les producteurs en sanctionnant les pratiques illégales s’est avéré trompeur. Il est indispensable de trouver une solution politique pour protéger l’environnement unique qu’est l’Amazonie.

Vers le rapport Imaginary Trees, Real Destruction.