Mycle Schneider, éminent spécialiste et critique de l’industrie nucléaire était présent à Genève lundi 22 novembre invité par la Right Livelyhood Foundation et la Fondation suisse de l’énergie (SES). Il venait présenter son rapport résumant l’état de l’industrie nucléaire mondiale. Le constat est sans appel: « la ligne de la moyenne d’âge des réacteurs ne cesse de monter, c’est le signe que le parc mondial ne se renouvelle pas », explique-t-il. « C’est simple, au bout d’une telle ligne, c’est la mort qui attend le nucléaire. »

Portrait de Mycle Schneider, Allemagne, 2010, photographe: Wolfgang SchmidtMycle Schneider est l’auteur principal du « World nuclear industry status report », une publication annuelle indépendante qui analyse l’état de l’industrie du nucléaire au niveau mondial. Le rapport sort normalement en Juin, mais la proximité de la votation sur l’initiative « Pour la sortie programmée du nucléaire » justifiait bien une petite piqure de rappel sur les bords du Léman.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’industrie du nucléaire a des soucis à se faire. Après une expansion spectaculaire qui dure des années 1960 à la fin des années 1980, le nucléaire est clairement en déclin. Au niveau mondial, il y a bien eu un léger regain d’intérêt dans les années 2000, mais la catastrophe de Fukushima est venue y mettre un terme. En 1995, la part du nucléaire dans le mix électrique mondial atteignait son maximum historique: 17.6%. 20 ans plus tard, elle est redescendue à 10.7%.

L' »exception » chinoise
Le seul pays construisant encore un nombre conséquent de réacteurs est la Chine. Mais les centrales inaugurées en 2015 sont le résultat de projets lancés avant Fukushima. « Tant au niveau des autorités publiques que de la population, les Chinois ont découvert la réalité du nucléaire avec Fukushima », déclare Mycle Schneider. « Avant cette catastrophe, construire un réacteur nucléaire était considéré comme un simple chantier d’infrastructure. Depuis, la Chine est devenue beaucoup plus prudente: on y construit encore des réacteurs mais bien moins qu’avant 2011. »

Une révolution silencieuse est en cours
Enfin lorsqu’on lui demande si les énergies renouvelables peuvent vraiment prendre le relais du nucléaire, comme le demande l’initiative « Pour la Sortie programmée du nucléaire » en Suisse, il cite de 2 exemples pour répondre. D’abord il explique que les banques et les analystes financiers considèrent les énergies renouvelables comme plus concurrentielles que le nucléaire. En 2014, Citibank publiait un rapport intitulé « Energy 2020: The revolution will not be televised ». Dans ce document, la banque fait part de sa conviction qu’à l’avenir la combinaison de panneaux photovoltaïques et de batteries locales permettra de court-circuiter les fournisseurs traditionnels d’électricité et de passer à une production décentralisée.

Mycle Schneider évoque aussi la lenteur du nucléaire. « Le projet de construction de nouveaux réacteurs à Hinkley Point, au Royaume Uni a été lancé en 2003 », explique-t-il. « Aujourd’hui la date de mise en service est fixée à 2026 au plus tôt. Du lancement du projet à la production effective d’électricité il faudra donc attendre 23 ans. Or ce projet produira autant d’électricité que les nouvelles unités de production d’énergies renouvelables installées en 2015 dans le pays. » Le secteur de la production d’électricité est donc le témoin d’une véritable révolution. « Le problème c’est que les médias et les opinions publiques ne sont pas correctement informés. Les gens ne réalisent pas ce qui est en train de se passer. C’est vraiment une révolution silencieuse. »

Le World nuclear industry status report 2016

Mathias Schlegel est porte-parole Climat & Énergies de Greenpeace Suisse

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