Jamais auparavant il n’avait fait aussi bon être un baron du pétrole. Les automobilistes du monde entier sont prêts à accepter n’importe quoi pour que leurs réservoirs restent pleins d’essence. Les pétroliers ont tant d’argent qu’ils peuvent faire passer les politiques environnementales les plus insensées. Et si leurs intérêts sont menacés, il leur suffit de demander à leur vieil ami George de rassembler les troupes et de partir en guerre. Une question se pose tout de même : 200 milliards de dollars et un nombre encore inconnu de victimes civiles et militaires permettront-ils de faire du monde un endroit plus sûr? Ou en feront-ils juste un endroit où il fait encore meilleur être un baron du pétrole?

Genève (GE). Dès l’entrée à la Maison Blanche
de l’ancien pétrolier George W. Bush, bien avant le 11 septembre,
son administration a annoncé que les Etats-Unis se trouvaient face
à un crise de l’offre énergétique. Bien qu’il n’y ait pas grand
chose pour étayer cette affirmation, Bush en a fait l’un des
fondements de sa politique.

Comme par hasard, l’Irak possède les deuxièmes plus grandes
réserves de pétrole du monde. Sa production est fortement réduite
depuis la guerre du Golfe, à cause des sanctions économiques et de
la destruction de ses infrastructures. Il faudra des années pour
les reconstruire et relancer la production. Les magnats du pétrole
qui convoitent ces réserves s’en chargeraient avec plaisir…

Les pétroliers n’ont jamais eu de liens aussi intimes avec la
Maison Blanche qu’aujourd’hui. Pour le vice-président Dick Cheney,
cela pourrait être la deuxième fois qu’il fait des affaires en Irak
depuis la guerre du Golfe. Cheney est l’ancien directeur
d’Halliburton, le plus grand prestataire de services pétroliers du
monde. En août 2000, Cheney a publiquement déclaré, en tant que
directeur d’Halliburton : « Ma politique était stricte quant au fait
de ne rien faire en Irak, pas même passer des accords soi-disant
légaux. » Le Financial Times a portant démontré que Cheney a
supervisé en 1998 et 1999 des ventes à l’Irak s’élevant à 23,8
millions de dollars…

George W. Bush et sa famille sont liés aux compagnies
pétrolières depuis l’époque de son grand-père. Condoleezza Rice, la
conseillère pour la sécurité nationale de Bush, a siégé au conseil
d’administration de Chevron, qui a récemment donné son nom à un
pétrolier. (Plus d’informations -en anglais- sur les liens de la
Maison Blanche avec les grandes compagnies pétrolières sur
Salon.com)

Grand spécialiste des questions pétrolières, le Dr. JJ Traynor
de la Deutsche Bank perçoit ExxonMobil, la plus grosse et sans
doute la plus influente politiquement des compagnies américaines,
comme étant « au premier rang » pour tirer tous les bénéfices d’un
changement de régime en Irak.

ExxonMobil a travaillé dur pour entretenir la demande de pétrole
en faisant pression sur le gouvernement américain pour qu’il se
retire du Protocole de Kyoto sur le réchauffement planétaire.
Durant la campagne électorale 2000, ExxonMobil a versé 1 375 250
dollars pour financer les campagnes de politiciens (seule Enron
parmi les compagnies pétrolières et gazières a consacré plus
d’argent au financement de campagnes électorales). Sur cette somme,
89% sont allés à des candidats républicains. En sapant les efforts
de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ExxonMobil
prolonge la dépendance des Etats-Unis envers le pétrole et leurs
liens avec des pays producteurs de pétrole souvent politiquement
instables.

Pourtant, contrairement à ses homologues français, russes et
chinois, ExxonMobil, la plus grosse compagnie pétrolière du monde,
a dû rester à l’écart de l’Irak à cause de la position politique
des Etats-Unis ces dix dernières années. Exxon possédait auparavant
25% des champs de pétrole irakiens. Une nouvelle guerre contre
l’Irak lui donnerait de nouveau accès aux vastes réserves
pétrolières du pays.

Les raisons d’aller en guerre officiellement invoquées par Bush
sont peu convaincantes

Bien qu’il ne soit un secret pour personne que la Maison Blanche
a de bonnes relations avec les magnats du pétrole, il lui fallait
un prétexte pour déclarer la guerre a l’Irak. La « guerre contre la
terreur » lancée au lendemain du 11 septembre était l’excuse
parfaite. Dans un monde ébranlé par la menace de plus de chaos et
de destruction, la question irakienne a été discrètement glissée
dans les discours les plus importants de Bush. Celui-ci a
rapidement tourné l’attention d’Oussama Ben Laden vers Saddam
Hussein puis sur la chasse aux armes de destruction massive
irakiennes.

Alors que les Etats-Unis sont prêts à négocier avec la Corée du
Nord, qui possède des armes nucléaires, ils se préparent à envahir
l’Irak, sous prétexte que ce pays serait peut-être en train d’en
mettre au point. Bush qualifie ces deux pays de « malfaiteurs ».
Pourquoi donc applique-t-il deux poids deux mesures ?

Un examen rapide de la politique des Etats-Unis en matière
d’armes de destruction massive (AMD) balaye rapidement l’idée selon
laquelle les armes de destruction massive seraient le facteur
déterminant pour entrer en guerre avec l’Irak.

Signataires du Traité de non-prolifération (TNP) des armes
nucléaires, les Etats-Unis sont dans l’obligation juridique de
réduire leur arsenal nucléaire, de ne plus effectuer d’essais, et
de négocier un traité contraignant de désarmement nucléaire sous
contrôle international strict. L’actuelle administration américaine
a pourtant augmenté son budget pour la fabrication d’armes
nucléaires et la relance des essais nucléaires, jetant aux orties
les traités de désarmement existants.

L’une des premières actions de l’administration Bush a été de
réduire les financements des programmes de contrôle et
d’élimination des armes et matières nucléaires dans les pays de
l’ex-Union soviétique de près de 21%, tout en augmentant le
financement des armes nucléaires de près de 5%.

La tendance prédominante de l’administration Bush à ignorer,
abandonner, ou démolir les traités internationaux est
particulièrement évidente en ce qui concerne les accords de
contrôle des armements :

– En décembre 2001, le président Bush a torpillé les discussions
visant à donner une véritable force à la Convention sur les armes
biologiques. Un refus de dernière minute, après cinq années de
négociations, qui a provoqué la colère des pays négociateurs.

– Lors de la conférence d’examen du TNP en 2000, les Etats-Unis
et les autres signataires se sont entendus pour mettre fin aux
essais nucléaires en faisant de l’entrée en vigueur du Traité
d’interdiction totale des essais nucléaires le premier de 13
engagements spécifiques pour le désarmement. Peu de temps après, le
Sénat américain a annoncé qu’il désapprouvait ce traité. L’année
dernière, les Etats-Unis ont déclaré qu’ils n’étaient plus d’accord
avec ces derniers engagements, remettant en question l’avenir même
du Traité de non-prolifération.

– L’administration Bush s’est également rétractée concernant un
engagement complémentaire visant à renforcer le Traité ABM
(anti-missile balistique) et a poursuivi son programme Star Wars de
défense balistique. Ce programme est l’un des principaux faits qui
expliquent que les négociations internationales pour débarrasser le
monde des armes de destruction massive n’ont pas avancé ces trois
dernières années. Cela fournit également un prétexte à d’autre pays
pour améliorer et étendre leurs arsenaux nucléaires.

Dans l’ensemble, la politique de Bush en matière d’armes de
destruction massive est arbitraire, hypocrite et incohérente. Le
monde a désespérément besoin d’une démarche multilatérale et juste
visant l’élimination des armes de destruction massive. Une guerre
contre l’Irak ne servirait qu’à renforcer l’hypocrisie de la
situation actuelle.