Ce mardi, des militants de Greenpeace ont rapporté aux forces d’occupation de l’Irak des matières radioactives collectées à proximité du complexe nucléaire de Tuwaitha, au sud de Bagdad. Ils ont profité de cette « livraison » pour demander la décontamination urgente des villages proches des installations, victimes d’une pollution radioactive très sérieuse, et pour lancer un appel à l’intervention immédiate de l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA) qui, jusqu’à l’intervention militaire anglo-américaine, contrôlait les différents sites nucléaires irakiens. Le chef du centre médical de l’armée américaine et expert en radiations nucléaires de l’armée américaine, le Lieutenant Colonel Mark Melanson, ont appuyé l’appel de Greenpeace pour donner à l’AIEA les pleins pouvoirs pour recenser, évaluer et décontaminer les villes et les villages situés autour de Tuwaitha.

Bagdad (Irak). Cet appel à l’IAEA a eu lieu après que Greenpeace a livré aux forces d’occupation, un container de la taille d’une petite voiture et contenant une quantité importante de matières radioactives abandonnée sur un terrain très fréquenté, à proximité de la centrale. Bien que les militaires aient été au courant de sa présence, de nombreux témoignages recueillis auprès de la population locale concordent pour affirmer qu’il est resté ouvert, sans surveillance, pendant une bonne vingtaine de jours.

« Si la même chose se produisait en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou dans n’importe quel autre pays, les villages autour de Tuwaitha grouilleraient d’experts en radiologie et d’équipes de décontamination. La région serait considérée comme une zone nucléaire sinistrée et la population bénéficierait de secours médicaux d’urgence. Ici en Irak, ce n’est pas le cas et c’est parfaitement scandaleux. Quelque chose doit être fait immédiatement pour remédier à la situation » déclare Yannick Jadot, Directeur des campagnes de Greenpeace France.

Les experts en radiologie de Greenpeace ont retrouvé de la poudre d’oxyde d’uranium, du « yellow cake » et localisé plusieurs sources radioactives dispersées dans la localité. Les populations, quant à elles, ignorent le danger que cela représente. En une semaine d’étude sur le terrain, Greenpeace a mesuré les taux de radioactivité dans plusieurs habitations. En certains points, les radiations étaient jusqu’à 10 000 fois supérieures à la normale. Une radioactivité 3 000 fois supérieure à la normale a été mesurée à l’extérieur d’une école primaire accueillant 900 enfants.

Des habitants ont encore chez eux des fûts et des couvercles radioactifs. De nombreux récits circulent qui indiquent des problèmes de santé inhabituels survenus après être entré en contact avec des matériaux provenant de la centrale de Tuwaitha. Plusieurs objets portant le sigle « nucléaire » gisent encore à plusieurs endroits de la localité. Greenpeace a emmené des militaires américains dans une maison où ils ont pu vérifier une radioactivité 10 000 fois supérieure à la normale. Les troupes américaines ont rapporté la source radioactive sur le complexe de Tuwaitha pour l’y stocker.

« Il est juste que les militaires aient rapporté l’objet source de radiations nucléaires d’où il venait » déclare Mike Townsley, spécialiste des questions nucléaires de Greenpeace International, actuellement en Irak. « mais l’action de Greenpeace vise à révéler une crise radioactive beaucoup plus large. Depuis une semaine que nous sommes sur les lieux, nous avons pu mesurer des taux de radioactivité effrayants. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) doit être autorisée à revenir en Irak avec un mandat complet de contrôle et de décontamination. Il faudrait que les inspecteurs soient autorisés à sortir du giron des forces d’occupation pour pouvoir travailler correctement car ces forces ont prouvé jusqu’à maintenant leur incapacité à régler le problème de la disparition des matières radioactives et des risques afférant pour la santé et pour l’environnement » précise encore Mike Townsley.

Jusqu’à présent, les forces d’occupation avaient interdit aux experts des Nations unies travaillant à l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), de mener leur propre enquête et d’entamer la décontamination de l’Irak.