Paris (France) La Cour Suprême indienne a
décidé que le Clemenceau était illégal dans la Zone économique
exclusive, correspondant à 220 miles nautiques, au moins jusqu’au
13 février prochain, date de sa prochaine réunion. D’ici là, sa
commission spéciale va continuer ses auditions et produire un
rapport sur le Clemenceau. Le 6 janvier dernier, cette même
commission avait émis un avis négatif, considérant le Clemenceau
comme un déchet toxique, et avait recommandé son interdiction dans
les eaux territoriales indiennes.

« Ce qui est devenu une affaire d’Etat depuis
que la France a retourné la position officielle égyptienne en
violant explicitement la Convention de Bâle, n’est pas terminé. La
seule question qui demeure est d’ordre moral: la France peut-elle
se débarrasser d’un déchet très toxique en l’exportant dans un pays
du Sud? » s’interroge Yannick Jadot directeur des campagnes de
Greenpeace France.

Les arguments techniques déployés par l’Etat français ne
tiennent pas: la Convention de Bâle couvre sans équivoque tous les
navires en fin de vie, quelque soit leur statut légal (Décision 26
prise lors de la 7ème Conférence des Parties de 2004. Cf le point
juridique de Ban Asbestos en page 2 de ce CP). Il est de ce point
de vue affligeant que la Ministre française de l’Environnement,
officiellement garante de la Convention de Bâle, ait prêté son
concours à cette mascarade. De même, la communication du Ministère
de la Défense insistant sur le fait que le navire sera désamianté
puis démoli est tout aussi fallacieuse: les conditions d’un
désamiantage protégeant effectivement la santé des ouvriers indiens
et l’environnement sont pour le moment impossibles à réunir dans
les chantiers d’Alang.

« Les autorités françaises doivent cesser cette politique cynique
et arrogante qui détériore fortement l’image de la France. Pendant
plus de trois décennies, l’Etat français a ignoré la catastrophe
sanitaire de l’amiante sur son territoire et ses dizaines de
milliers de morts. Comment peut-il même envisager d’exporter un tel
scandale? Le pays des Droits de l’Homme a mal. Le Clemenceau
devient la honte de la France! » conclut Yannick Jadot.

Repères sur la Convention de Bâle – Entrée en
vigueur en 1992, elle concerne « le contrôle des mouvements
transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ». Elle
est signée entre autres pays par la France, l’Inde et l’Egypte.
Elle précise que tout trafic illégal de déchets est criminel (art
4-3) et doit conduire à des poursuites contre les individus
responsables. – Elle a pour objet de contrôler et réguler tout
transfert de mouvements transfrontières de déchets dangereux
risquant de porter atteinte à la santé humaine et à
l’environnement. – En son article1 elle définit les « déchets
dangereux » pouvant faire l’objet de mouvements transfrontières.
L’amiante en fait partie par référence à l’annexe I, code Y 36 et à
l’annexe III, code 9 H 11. – Elle n’exclut que la seule catégorie
des déchets radioactifs, et elle ne limite en pourcentage dans un
matériau que les seuls PCB inclus dans les solides (quantité
supérieure à 50mg/Kg). – Elle n’inclue aucune dérogation pour le
matériel de guerre ou les navires de guerre. – Elle interdit
l’exportation de déchets dangereux ou d’autres déchets si l’Etat
d’importation (ici l’Inde) et l’Etat de transit (ici l’Egypte)
n’ont pas donné par écrit « l’accord spécifique pour l’importation
de ces déchets, dans le cas où l’Etat d’importation n’a pas
interdit l’importation de ces déchets », or l’Inde a interdit toute
importation des déchets d’amiante depuis 2003. – Enfin les
signataires se sont engagés à prendre les mesures requises pour que
les mouvements transfrontières de déchets dangereux et autres
déchets ne soient autorisés que si l’Etat d’exportation (la France)
ne dispose pas des moyens techniques et des installations
nécessaires pour éliminer les déchets en question selon des
méthodes écologiquement rationnelles et efficaces. Or la France a
dix ans d’expérience dans des opérations de désamiantage hautement
sécurisées, et l’Inde n’a ni matériel, ni expérience en ce
domaine.