Nous aspirons tous à mener une vie bonne, qui respecte la planète au lieu de la détruire. Mais pourquoi est-il si difficile de le traduire en images?

Notre univers mental est colonisé par la destruction environnementale, la misère et la guerre. Comment faire place à des représentations plus positives?

Les populations autochtones en Équateur ont inventé le buen vivir, la vie en harmonie avec la diversité naturelle. En langue quechua, cette notion est exprimée par la formule sumak kawsay, qui signifie «la vie comblée». Dans l’esprit du buen vivir, aucun membre de la communauté n’est en droit de mettre son propre bien-être au-dessus de celui des autres ni de détruire la nature qui rend la vie possible. C’est la vision du monde traditionnelle des populations autochtones d’Amérique latine. Mais c’est aussi un concept postmoderne, postcolonial et post-­capitaliste, qui remet fondamentalement en cause les rapports de domination, notamment entre hommes et femmes.

Cette édition du magazine rend hommage au courage des femmes d’Amérique latine. Dans le cadre de son projet Vivre et mourir pour la forêt tropicale, la photographe brésilienne Marizilda Cruppe accompagne trois femmes autochtones qui militent pour l’environnement, en prenant de grands risques pour protéger la forêt amazonienne. Ce projet a remporté le prix du public du Greenpeace Photo Award 2016. En Équateur, la photographe Karen Miranda Rivadeneira documente la vie d’une population autochtone en lutte contre l’industrie forestière et pétrolière qui envahit la forêt tropicale. En faisant le portrait de personnes qui défendent leur espace et leur mode de vie, les deux artistes photographes contribuent, à leur manière, à la lutte pour une vie bonne.

Le concept du buen vivir est difficilement transposable à notre mode de vie en Suisse, mais il est riche en inspirations. Il nous invite à ré­fléchir à notre responsabilité envers la planète lorsque des entreprises suisses tirent profit de projets d’infrastructure qui détruisent l’espace de vie des populations autochtones. L’histoire récente de Greenpeace témoigne de l’efficacité de l’engagement. C’est ainsi que la population des Mundurukus est parvenue à stopper un projet de barrage gigantesque sur le Rio Tapajós, en Amazonie. Une lutte soutenue par un large mouvement, par Greenpeace et d’autres organisations, ainsi que par plus d’un million de personnes dans le monde entier.

Pourquoi ne pas construire notre propre idée de la vie comblée sur le concept du buen vivir? Serait-il impossible d’y intégrer certaines particularités et qualités suisses? Pour inventer ensemble cette vie bonne, nous avons besoin de votre engagement, de votre créativité, de votre courage.

P.-S. Lors de sa session d’été, le Parlement a accepté la prolongation du moratoire sur le génie génétique jusqu’en 2021. L’agriculture suisse restera donc exempte d’OGM. Le Conseil fédéral prévoyait pourtant d’autoriser les cultures transgéniques à la fin de la période de prolongation. L’engagement vigoureux de Greenpeace et d’autres associations environnementales a permis de l’empêcher. Un succès d’étape rendu possible grâce aux nombreuses personnes qui nous soutiennent.