La centrale de Fukushima est devenue un gigantesque chantier sur lequel près de 3’000 personnes sont actives. Le travail se partage entre la gestion quotidienne des installations endommagées par le tsunami du 11 mars 2011 et par les explosions liées à la perte de contrôle des réacteurs 1, 2 et 3 et le chantier de démantèlement de la centrale.


Action devant le parlement hongrois à Budapest, pour commémorer le 3ème anniversaire de la catatrophe de Fuksushima. ©Greenpeace/Zsuzsi

La gestion au quotidien des réacteurs accidentés s’apparente au mythe de Sisyphe. Pour maintenir la température du combustible de ces réacteurs sous la barre des 50° il faut continuellement les arroser avec de l’eau. Mais suite à l’accident les circuits de refroidissements ne sont plus étanches. De l’eau s’échappe par les fissures et se retrouve dans les sous-sols de la centrale. De là, elle s’écoule dans la mer et dans la nappe phréatique. Une partie de cette eau peut être partiellement décontaminée et réinjectée dans le circuit de refroidissement. Le reste est stocké dans des réservoirs, qui face à l’urgence de la situation, sont construits dans la précipitation et  soumis aux aléas de la météo. Pour ces raisons, des fuites plus ou moins graves sont régulièrement observées sur le site.

Pour ce qui concerne le démantèlement de la centrale, le tableau n’est guère plus réjouissant. Il faut bien comprendre que ce qui attend les personnes qui y travaillent, c’est l’obligation de mener à bien des tâches qui n’ont jamais été réalisée dans une centrale accidentée. Un bon exemple, est l’opération de vidage de la piscine du réacteur numéro 4, qui contient 1’330 barres de combustible usagé et 200 barres de combustible neuf. La piscine est un cube de béton de 11 mètres de profondeur, situé à 30 mètres de hauteur, dans un bâtiment soufflé par une explosion d’hydrogène, quatre jours après le démarrage de la catastrophe.  De nombreux petits débris rendent l’opération encore plus délicate. Et ce, alors que la solidité du bâtiment n’est pas garantie.

Tepco n’a pas le droit à l’erreur. Un incident pourrait entraîner de nouveaux dégagements massifs de radioactivité dans l’atmosphère, mettant en danger les employés présents sur le site et la population de la région.  Débutée en novembre 2013, cette opération a pour l’heure permis de sortir plus de 400 barres de combustible, et de les transférer dans la piscine principale, située à une centaine de mètres, relativement épargnée par le Tsunami de 2011. Cela permet de comprendre toute la difficulté du démantèlement. D’une part, si le vidage de la piscine du réacteur 4 permet bel et bien de réduire le danger de contamination, il ne fait que déplacer le problème. La piscine pricipale contient déjà 6’000 barres de combustible. D’autre part, il ne faut pas oublier les piscines des autres réacteurs. Selon le Monde, « la vidange de la piscine du réacteur 3 devrait débuter avant mi-2015. Celle des piscines des réacteurs 1 et 2  n’est pas programmée avant 2017. » Une fois cette opération réalisée il faudra également s’attaquer au corium des réacteurs accidentés, c’est-à-dire au magma formé par le combustible fondu. Cette opération, qui n’a jamais été réalisée ailleurs sur la planète, n’est pour l’heure pas prévue avant 2020.


10.03.2013 (Tokyo/Japon) Des dizaines de milliers de personnes défile dans les rues de la capitale nippone pour demander au gouvernement japonais d’abandonner son programme nucléaire. ©Greenpeace/Hayashi

Cela illustre bien la lenteur avec laquelle ce chantier va avancer. Pour l’heure les autorités prévoient déjà qu’il faudra 40 ans pour démanteler les installations. Il n’existe pour l’heure pas la moindre solution durable pour gérer les déchets finaux qui resteront à la fin de l’opération. Et c’est sans compter le fait que les conditions précaires qui prévalent à Fukushima ne permette pas d’exclure la probabilité d’un autre accident.

Le pire dans cette situation c’est la manière dont est gérée ce qui devrait être considéré comme un chantier vital pour l’avenir du pays. Selon un article publié fin octobre 2013 par l’agence Reuters, le recrutement des employés actifs dans la décontamination du site et de ses environs se fait de manière complètement incohérente, à cause de la généralisation de la sous-traitance. 800 entreprises sont actives sur le site de la centrale et plusieurs centaines d’autres sont actives dans la décontamination de la région. Beaucoup des entrepreneurs attirés par un chantier estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars n’ont pas d’expérience dans le domaine du nucléaire, et une part non-négligeable d’entre eux sont liés au crime organisé.

Selon le gouvernement japonais, près de 270’000 personnes de la région de Tohoku restent dispersées à travers le Japon suite aux conséquences du Tsunami, du tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire. Près de 150’000 d’entres elles ont du quitter leur domicile suite à l’évacuation de la zone d’exclusion autour de la centrale. Mais des dizaines de milliers d’autres ont fuit volontairement. Environ 100’000 personnes occupent actuellement des domiciles provisoires. Pour la majorité d’entre elles, il s’agit de petites habitations de deux pièces, sans confort et construites à la hâte. L’état général de ces habitations se dégrade rapidement. Des milliers d’autres se retrouvent forcées de loger chez leur proches.

En novembre 2013, Shigeru Ishiba, numéro 2 du parti au pouvoir, admettait que le gouvernement serait bien obliger de changer un jour sa politique, qui prévoit le retour de tous les déplacés. En d’autres termes, il semble aujourd’hui certain qu’une partie de ces personnes ne retourneront jamais chez elles. Et c’est sans compter celles vivant à l’extérieur de la zone d’exclusion et qui ne sont de ce fait pas pris en charge par le gouvernement.


Depuis la catastrophe, Greenpeace a mené de nombreuses campagnes de mesures de la radioactivité autour de la centrale de Fuksuhima. ©Greenpeace/Mueller

Selon le gouvernement, les taux de radioactivité ont baissé de 40% depuis la catastrophe. Mais ce chiffre soulève le scepticisme. D’une part, car il semble bien que les instruments de mesure officiels ont été systématiquement installés de manière à ne pas être exposé aux plus hautes valeurs de radioactivité. Dans le village fortement contaminé d’Itate, l’instrument de mesure officielle a été installé à 1,5 mètre du sol, à un endroit ou la terre contaminée à été enlevée et remplacée par une couche de sable propre, une couche de béton et une plaque de métal. Les éléments radioactifs restant proches du sol, plus l’instrument de mesure est élevé,  plus les résultats qu’il affiche sont faibles.

D’autre part, les responsables politiques locaux font tout pour tenter de faire revenir les déplacés. Si la décontamination des sites les plus radioactifs est laissée aux bons soins du gouvernement central, les municipalités se chargent du reste. Il faut nettoyer les murs et les toits des maisons, les rues et les routes, et retirer la couche supérieure de terre autour des habitations. Bien entendu ce nettoyage ne peut pas être exhaustif, car il est impossible de retirer toute la terre contaminée. Les observations des experts de Greenpeace sur place montrent bien que ce processus est régulièrement réalisé de façon incohérente.

Et comme pour le démantèlement de la centrale, subsiste le problème des déchets. Comment stocker de façon sûre la terre, les feuilles et la boue contaminée récoltée dans le processus de nettoyage? Les communes situées en dehors de la zone contaminée ont toutes refusées de les recevoir. Et on attend toujours la construction d’un centre de stockage.

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