Pour la première fois dans le monde, un tribunal français a désigné un affréteur, Total, en partie responsable d’une pollution maritime de très grande envergure. Le jugement reconnaît par ailleurs, pour la première fois en France, l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’atteinte portée à l’environnement et a chiffré des dommages et intérêts. Pour Greenpeace, qui s’était portée partie civile, l’issue du premier grand procès d’une catastrophe écologique en France est à la hauteur de l’enjeu et devrait contribuer à prévenir de nouvelles catastrophes.


Le droit international doit être modifié pour prendre en compte le préjudice environnemental.

«C’est une bonne nouvelle: au terme de ce
procès historique, au cours duquel Total n’a eu cesse de se
déresponsabiliser, sa faute a été pleinement reconnue et
sanctionnée, ainsi que le préjudice moral et le préjudice
environnemental, déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de
Greenpeace. Nous espérons maintenant que ce jugement fera
jurisprudence et boule de neige partout dans le monde. En effet, le
droit international doit être modifié pour prendre en compte le
préjudice environnemental. Il convient aussi de réformer le droit
maritime afin que  le système actuel de déresponsabilisation des
affréteurs soit rendu impossible.»

«Ce procès a permis de voir qu’il y avait des responsabilités à
tous les niveaux: la société de certification a commis des fautes,
la société Total, à travers sa procédure d’inspection, en a commis
aussi, et l’armateur également. Ce jugement aura des répercussions
très importantes concernant la chaîne des responsabilités. Si le
champ des responsabilités est étendu, on augmente la possibilité de
réparer ces catastrophes et on incite les entreprises à être plus
vertueuses. Si les affréteurs peuvent être reconnus responsables
des pollutions marines, ils seront incités à faire davantage
attention» déclare Me Alexandre Faro, avocat de Greenpeace
France.

Le Tribunal correctionnel de Paris a estimé que «les
associations de défense de l’environnement, ou les collectivités
gérant des espaces naturels, ont le droit de « demander réparation,
non seulement du préjudice matériel et du préjudice moral, directs
ou indirects, causés aux intérêts collectifs qu’elles ont pour
objet de défendre, mais aussi de celui résultant de l’atteinte
portée à l’environnement.» Il s’agit d’une avancée importante
puisque ce jugement ouvre la possibilité aux associations 
écologistes de se constituer parties civiles lorsqu’elles
estimeront qu’une atteinte à l’environnement a été commise (menace
d’une espèce sauvage, dommage causé à un site naturel…) même si
aucun intérêt économique n’a été lésé.

A ce titre, Greenpeace France recevra 33’000 euros
d’indemnisation. «Ce n’est pas grand chose en soi, mais l’important
est que les associations environnementales aient été reconnues
comme porteuses du préjudice» précise Yannick Jadot.

Au total, les coupables, Total mais aussi l’armateur, le
gestionnaire et la société de vérification, ont été condamnés à
verser 192 millions de dommages et intérêts au titre de l’ensemble
des préjudices subis, c’est-à-dire le cinquième du milliard demandé
par les parties civiles.