Les expertises du groupe BKW/FMB (Forces motrices bernoises) concernant la résistance aux tremblements de terre du barrage du Wohlensee contiennent de graves lacunes et des contradictions. C’est en tout cas l’avis de deux experts indépendants. Une rupture de ce barrage entraînerait un accident nucléaire à la centrale de Mühleberg. Greenpeace exige de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), en charge de la sécurité des ouvrages hydrauliques, de définir les mesures de précaution qui s’imposent. Dans les conditions actuelles, le barrage du Wohlensee ne peut pas être considéré comme sûr.


Une rupture du barrage du Wohlensee entraînerait un accident nucléaire à la centrale de Mühleberg. ©Greenpeace/Fotju

À la suite de la catastrophe de Fukushima, le groupe BKW/FMB (Forces motrices bernoises) a reçu le mandat de s’assurer que le barrage du Wohlensee, situé dans le canton de Berne, en amont de la centrale nucléaire de Mühleberg, puisse résister à un séisme. Selon les conclusions de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN), tout est en ordre, la sécurité est assurée. Deux experts indépendants viennent pourtant contredire ces affirmations. Ils ont présenté aujourd’hui leurs analyses lors d’une conférence de presse organisée avec le concours de Greenpeace Suisse à Berne.

Markus Kühni, ingénieur, grand connaisseur et critique de la centrale nucléaire de Mühleberg a analysé les différentes expertises produites par BKW/FMB sur demande des autorités, et a reconstitué les modes opératoires de ces différents acteurs. Il en conclut que « le barrage situé en amont de la centrale de Mühleberg ne remplit pas les exigences légales et ne peut donc pas être considéré comme sûr. Il apparaît que l’OFEN et l’IFSN n’ont pas rempli leur devoir de surveillance. » La première expertise commandée par BKW/FMB au cabinet d’expert Stucky mettait en doute la sécurité de l’ouvrage du Wohlensee. Ce qui est particulièrement perturbant, c’est que ce rapport a été suivi de deux autres qui, sans raisons valables, prétendaient le contraire.

Greenpeace a sollicité l’expertise du Professeur Wei Wu, Président de l’Institut de génie géotechnique à l’Université des sciences agricoles de Vienne, afin d’obtenir un second avis. Les documents fournis par BKW/FMB et la prise de position de l’OFEN ne sont pas jugés convaincants par l’analyse de cet expert indépendant. « Ces rapports sont  incomplets et ne suffisent pas à démontrer la sécurité du barrage d’un point de vue géotechnique ». Le Professeur Wu critique une prise en considération incohérente des lignes directrices en matière de sécurité, le fait de se baser sur des valeurs peu crédibles pour évaluer les propriétés du sol (cohésion) et  le manque de données sur le risque de déplacement du barrage en cas de tremblement de terre.

En cas de tremblement de terre, le barrage doit pouvoir retenir des millions de mètres cubes d’eau, afin de préserver la centrale nucléaire de Mühleberg, située 1.3 kilomètres en aval.  Une rupture de ce barrage pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour l’installation nucléaire, et pour la population de l’agglomération bernoise. Pour BKW/FMB, une rupture du barrage du Wohlensee entraînerait un accident grave à la centrale de Mühleberg qui ne pourrait pas être maîtrisé par le recours aux équipements d’urgence existants.

Greenpeace exige de l’OFEN de faire toute la lumière sur cette situation et de définir les mesures de précaution qui s’imposent. L’institution doit s’exprimer sur les déficits de sécurité observés ainsi que sur le fait que l’expertise de l’entreprise Stucky a été modifiée à plusieurs reprises. Greenpeace a également informé par courrier la conseillère fédérale Doris Leuthard, les autorités de surveillances et le gouvernement bernois sur cette situation inacceptable en leur demandant d’agir immédiatement.  « Une commission d’experts indépendants doit impérativement examiner ce dossier. Il n’est pas acceptable que dans ces conditions l’FSN et l’OFEN continuent de considérer la centrale nucléaire de Mühleberg et le barrage du Wohlensee comme sûr en cas de séisme », rappelait aujourd’hui Florian Kasser, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace Suisse. « L’OFEN doit décider rapidement si des mesures doivent être prises en urgence, un tremblement de terre pouvant se produire à tout moment. »


 Responsabilités des différents acteurs:

  • BKW/FMB: En tant qu’exploitant et propriétaire du barrage du Wohlensee et de la centrale nucléaire de Mühleberg, l’entreprise est responsable de la sécurité de ces deux ouvrages.  
  • OFEN: L’Office fédéral de l’énergie  est l’autorité de surveillance pour tous les barrages. Dans le cadre des tests de sécurité liés aux risques sismiques, l’IFSN a obtenu l’expertise de sécurité concernant le barrage auprès de l’OFEN.  
  • IFSN: Selon le droit en vigueur, l’IFSN est seule en charge de la vérification de la sécurité des installations nucléaires. Elle se doit d’évaluer la stabilité des barrages lorsque ceux-ci constituent une menace potentielle pour des centrales nucléaires.