Depuis 6 ans, l’enceinte de confinement primaire de la centrale nucléaire de Leibstadt (KKL) est aussi trouée qu’un fromage Emmental, sans que personne ne le remarque. L’opérateur reconnaît une erreur. L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) est très critique. Mais force est de constater qu’elle aussi a failli à sa mission. L’IFSN doit maintenant accepter de se mettre à la disposition d’un organe d’enquête indépendant.

Depuis 6 ans, l’enceinte de confinement primaire de la centrale nucléaire de Leibstadt (KKL) est aussi trouée qu’un fromage Emmental, sans que personne ne le remarque. L’opérateur reconnaît une erreur. L’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) est très critique. Mais force est de constater qu’elle aussi a failli à sa mission. L’IFSN doit maintenant accepter de se mettre à la disposition d’un organe d’enquête indépendant.

En 2008, deux extincteurs ont été installés à la centrale nucléaire de Leibstadt. Pour ce faire, des trous ont été percés dans le confinement primaire du réacteur, afin d’y insérer des vis. L’enceinte de confinement qui isole notamment la cuve et le cœur du réacteur est un élément primordial pour la sécurité, car il empêche la libération d’éléments radioactifs dans l’environnement. Le directeur de la KKL a admis dans une interview à l' »Aargauer Zeitung » que cette aberration a été découverte par hasard par un employé qui effectuait une ronde.

On ne peut que s’interroger: comment cela est-il possible? Et pourquoi a-t-il fallu attendre 6 ans pour le repérer?

Ce n’est finalement pas très important de savoir si c’est un employé d’une entreprise de sous-traitance qui a commis cette bévue ou un employé de la centrale. Le fait est que l’autorisation de travailler avec une perceuse sur le confinement primaire ne peut se faire sans l’accord d’un responsable de KKL. De tels travaux auraient au moins dû attirer l’attention des employés présents, car ils vont à l’encontre des principes de base en matière de sécurité. C’est comme si un chauffeur routier décidait de percer le réservoir d’essence de son camion pour mieux fixer sa plaque minéralogique. C’est parfaitement inexcusable. Pas un contrôle, pas un seul examen de sécurité n’a découvert ces perforations en 6 ans. Cela rappelle le scandale de 2001, lorsque des employés des centrales avaient paraphé des compte rendus de ronde de sécurité sans les que les inspections aient véritablement été réalisées.

L’IFSN a exigé une réparation complète de l’installation pour le 18 juillet prochain, sans quoi KKL se verrait contrainte de mettre à l’arrêt son réacteur. Une prise de position qui peut sembler forte, mais qui traduit en réalité la flexibilité de l’autorité de surveillance à l’égard des exploitants des centrales nucléaires. D’un coté l’IFSN se donne un alibi en proférant une menace, de l’autre elle laisse le réacteur fonctionner. Si l’IFSN estime que le réacteur doit être arrêté le 18 juillet en l’absence d’une réparation complète, pourquoi le considère-t-elle comme sûr jusque là? Selon le principe de précaution, une fois les trous détectés, le réacteur de Leibstadt ne devrait plus être considéré comme sécurisé. Si KKL travaillait avec une véritable culture de sécurité, le réacteur aurait été mis à l’arrêt immédiatement.

L’IFSN fait clairement partie du problème. Les inspecteurs de l’autorité de surveillance n’auraient jamais dû passer à coté d’une telle faute. Pourtant après le réexamen périodique de sécurité effectué en 2009, l’autorité de surveillance attestait du fait que la centrale de Leibstadt réunissait tous les critères permettant de garantir un fonctionnement en toute sécurité. Cette vérification primordiale de la sécurité, réalisée par les exploitants eux-mêmes, a manifestement été réalisée dans les locaux administratifs et pas dans le bâtiment du réacteur. Jusqu’à maintenant, l’IFSN a renoncé à demander un deuxième avis indépendant concernant ce réexamen périodique de sécurité. Ce n’est donc pas seulement les processus interne à la KKL qui doivent être évalués, mais aussi la capacité de l’IFSN à remplir son rôle. Le Conseil fédéral, et plus particulièrement Mme Leuthard, doit rapidement lancer une enquête à ce sujet.

Stephan Füglister est expert des questions nucléaire pour Greenpeace Suisse

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