Les entreprises du pétrole, du gaz et du charbon captent des milliards de francs suisses en investissements. Ces placements sont non seulement désastreux sur le plan écologique, ils constituent également un risque financier considérable. En cas de respect des mesures de réduction du réchauffement climatiques, 80% des réserves de matières premières de ces firmes seront pratiquement sans valeur. Cette situation menace nos avoirs de prévoyance. Les organisations environnementales WWF, Greenpeace et 350.org ainsi que le PS et les Vert-e-s exigent le retrait des placements des caisses de pension et des grandes banques dans le secteur du pétrole, du gaz et du charbon d’ici à cinq ans au plus tard.


Centrale au charbon (Bergheim/Allemagne) ©Greenpeace/Langrock

La bulle immobilière ou la bulle Internet sont bien connues, contrairement à la « bulle du carbone ». Du moins en Suisse. Or la bulle du carbone menace également notre pays. Il y a une année, la banque HSBC estimait déjà que la valeur marchande des firmes pétrolières et gazières était menacée à raison de 40 à 60%. « Les titres fossiles sont doublement sous pression », explique  Katharina Serafimova, spécialiste du monde financier au WWF Suisse. « D’une part les Etats sont nombreux à durcir leur législation pour minimiser les risques des énergies fossiles et orienter leur système énergétique vers les renouvelables. D’autre part les investisseurs sont de plus en plus nombreux à se retirer du secteur fossile. » Une évolution problématique, car les 200 plus grandes firmes de l’énergie concentrent de gigantesques capitaux à hauteur de 4’000 milliards de dollars. Une chute massive des cours boursiers s’annonce, avec des conséquences imprévisibles.

Investir dans les énergies fossiles, c’est investir dans le réchauffement climatique et menacer les fondements de la vie humaine. En cas de consommation de toutes les réserves fossiles déclarées, nous rejetterions cinq fois plus de  CO2 par rapport au niveau encore acceptable pour respecter l’objectif des 2 degrés maximum de réchauffement du climat. C’est la conclusion d’une étude très remarquée, rédigée par « Carbon Tracker Initiative » et la London School of Economics. « Les preuves scientifiques sont claires: en cas de réchauffement climatique non maîtrisé, notre descendance sera confrontée à la dégradation des écosystèmes et à des catastrophes naturelles gravissimes », explique Georg Klingler, expert en énergie chez Greenpeace.

L’enjeu de la « bulle du carbone » est largement discuté dans nombre de pays. Des institutions financières comme la Banque mondiale ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement entendent réduire leurs investissements dans les projets d’exploitation des énergies fossiles. Et le fonds souverain norvégien prévoit de mettre fin à tous ses investissements dans le charbon. « Cette problématique est mondialement discutée, mais la Suisse l’ignore pour l’instant. Le secteur financier doit réagir et opérer un désinvestissement, avant qu’il ne soit trop tard », déclare Quentin Repond, responsable de campagne à 350.org.

C’est pourquoi le PS et les Vert-e-s exigent des règles pour le placement de la fortune nationale. Le PS dépose quatre motions demandant que les caisses de pension, la Banque nationale et les fonds SUVA et AVS ne soient plus autorisés à acquérir des titres d’entreprises exploitant du pétrole, du gaz ou du charbon ou possédant de telles réserves. Les titres actuellement détenus doivent être liquidés en l’espace de cinq ans. Les Vert-e-s demandent en outre un contrôle plus strict des grandes banques pour les investissements dans les énergies fossiles par l’autorité de surveillance des marchés financiers FINMA.

« Notre fortune nationale est placée dans des firmes énergétiques qui font chauffer le climat et les marchés financiers. C’est de la roulette russe! Ecologiquement, mais aussi économiquement », commente Beat Jans, conseiller national (PS). Et le conseiller national Bastien Girod (Verts) constate: « La caisse de pension Publica détient à elle seule environ deux milliards d’investissements dans les fossiles. Des placements qui vont à l’encontre de l’objectif des 2 degrés de réchauffement climatique de la loi sur le CO2. Et c’est aussi une menace pour la prévoyance vieillesse des personnes assurées. Publica doit donc adapter sa politique de placement et se retirer du business des énergies fossiles. »