Zoë Maire est la directrice du département à easyvote. Dans une interview, la femme bernoise explique ce qu’est difficile à faire voter les jeunes, si elle aime ou non le système politique suisse et pourquoi elle n’appartiennent à aucun parti.

Zoë Maire, comment vous est venue l’idée d’easyvote?

Easyvote a été créé, à l’origine, par le Parlement des Jeunes (JUPA), parce que ces derniers trouvaient que «voter, c’était trop compliqué», que «les documents officiels des votations n’étaient pas assez clairs», qu’on ne les comprenait pas. Ils voulaient que ça change pour les jeunes.

© Isabel Truniger

Votre groupe cible, ce sont donc les jeunes en âge de voter?

Nous visons les jeunes de 18 à 25 ans. Avant tout, parce que la socialisation politique se produit à cet âge. Nous collaborons aussi avec l’OFS pour des études et des analyses. Or, elles ont montré que, lorsqu’un jeune de plus de 25 ans ne s’était encore jamais intéressé à la politique ou à des sujets politiques particuliers, qu’il n’avait encore jamais pris part à des élections ou à des votations, il ne le ferait probablement pas pour le restant de sa vie.

Comment vous faites pour attirer l’attention des jeunes?

Nous sommes surtout actifs sur Instagram. Egalement sur Facebook, mais uniquement pour y diffuser les contenus d’Instagram, car cette plateforme n’est plus tellement populaire chez les jeunes. Outre les médias sociaux, nous nous concentrons sur l’éducation civique. Nous avons un département qui s’appelle «easyvote school». Là, les enseignants, femmes et hommes, sont notre public cible. Nous leur fournissons du matériel didactique avec lequel ils peuvent traiter le thème de la politique pendant leurs cours.

Quels sont les défis que vous devez relever quand il s’agit de convaincre des jeunes d’aller voter?

Les mobiliser est un vaste défi. En principe, aucun jeune ne dit «Non, je ne vois pas l’utilité d’aller voter». Mais faire que les jeunes se rendent vraiment aux urnes ou qu’ils n’oublient pas de déposer leur enveloppe de vote dans une boîte aux lettres, c’est actuellement notre principal problème.

Vous ne donnez pas non plus de recommandation de vote pour ou contre l’un ou l’autre parti?

En effet. La neutralité est notre force. Nos commentaires sont d’ailleurs considérés par la plupart comme plus neutres que les documents de vote des cantons ou de la Confédération. Car, finalement, il s’agit pour nous d’informer les gens et de les inciter à participer.  

Qu’est-ce que vous comptez faire à l’avenir?

Je dis toujours qu’on n’aura plus besoin d’easyvote le jour où l’éducation civique se sera améliorée, et que tous les acteurs politiques auront compris que les jeunes sont un groupe important, qu’il ne faut pas oublier. Je crois que ça va durer jusqu’à ce qu’on en soit là.

Comment, personnellement, es-tu venue à la politique?

J’ai commencé à m’intéresser à la politique et c’est comme cela que je suis tombée sur easyvote. Mais c’est surtout à cause de la guerre en Irak que j’ai commencé, très tôt à faire de la politique – j’étais encore à l’école primaire. Et petit à petit, j’y ai pris goût.

Es-tu membre d’un parti?

Non. L’équipe d’easyvote en a décidé ainsi. On ne serait en effet pas crédibles si on déclarait qu’on est politiquement neutres et que la direction s’engage dans un parti. Sincèrement, je ne sais d’ailleurs pas si je trouverais un parti qui corresponde vraiment à mes exigences.

Le changement climatique est-il un thème qui mobilise fortement les jeunes en Suisse?

Chaque année, nous réalisons une étude auprès des écolières et des écoliers, ce qu’on appelle le monitoring politique. Nous leur demandons quels sont les cinq principaux thèmes qui les préoccupent. Le climat en fait toujours partie.

Penses-tu que ce thème aura une influence sur la participation aux votes et sur les résultats en octobre prochain?

Oui, certainement. J’espère, bien entendu, que cela fera augmenter la proportion de votants. Car c’est un sujet familier pour les jeunes. Il est inutile de leur expliquer pourquoi ils sont concernés, comme c’est le cas par exemple pour la réforme fiscale, dont ils pensent qu’elle ne les regarde pas.

Essaies-tu également de convaincre des personnes de ton entourage d’aller voter?

Oui, en tout cas. Je reçois aussi souvent des appels téléphoniques de gens qui ne savent pas de quoi il retourne, et qui me demandent ce qu’ils doivent voter. Dans mon entourage personnel, je suis toutefois très rigoureuse (elle rit). Il n’y a pas de raison pour laquelle on n’irait pas voter. Quand, p. ex., mes parents trouvent qu’ils n’ont pas le temps d’y aller, cela me rend furieuse (elle rit).

Trouves-tu que le système politique suisse est satisfaisant ou qu’on devrait le transformer?

Je suis une défenseuse de la démocratie (elle rit). Je pense que c’est le meilleur système politique qu’on puisse avoir.  Même si ce n’est qu’une démocratie semi-directe. Mais je pense aussi que la démocratie ne doit pas être un spectacle de marionnettes ou chacun fait seulement semblant. Les citoyennes et les citoyens devraient avoir le monopole du savoir et du pouvoir. Mais si on essaie de les piéger en présentant des projets extrêmement confus, et qu’on les laisse de côté, alors ça devient dangereux. Jusqu’ici, la Suisse est dans la bonne voie, mais il y aurait certainement des possibilités de faire mieux.

C’est difficile d’être une femme dans le monde politique?

Tout dépend du parti. Chacun sait que la politique n’est pas toujours un business agréable, et ça fait peut-être peur aux femmes plus jeunes. Mais je remarque que les choses bougent et j’espère qu’après les élections, les résultats montreront aussi que les femmes ont de meilleures chances.

Est-ce que tu crois qu’en octobre, il y aura une poussée de la gauche?

Je pense que les Verts vont progresser. Oui, absolument, je m’attends à ce que la Suisse devienne un peu plus verte.

Pour terminer: que dirais-tu à quelqu’un qui ne souhaite pas aller voter?

Je demanderais à cette personne ce qui la dérange dans sa vie. Probablement qu’elle me répondra «Mon appartement est trop cher» ou «je trouve aberrant qu’on puisse encore acheter des avocats». Dans ce cas, le tour est joué! Car, quand on commence à parler de problèmes personnels, c’est toujours plus simple de convaincre quelqu’un.

Voici le magazine entier sur le climat.