Les forces motrices du Nord-Est Suisse (Nordostschweizerischen Kraftwerke, NOK) avaient porté plainte contre Greenpeace et avaient exigé CHF 605’000.- francs. NOK exigeaient cette forte somme en dédommagement pour une action de Greenpeace contre un transport de combustible nucléaire irradié. Leur but était de bâillonner définitivement Greenpeace dans sa critique du retraitement du plutonium. NOK vient de perdre définitivement au Tribunal fédéral (TF). Greenpeace ne doit rien payer et reçoit un dédommagement de CHF 61’690 francs de NOK. Ce verdict est un succès pour Greenpeace après une procédure de plusieurs années.

Zurich (ZH). Le 9 mars 1997, des militants de Greenpeace avaient protesté sur les voies ferrées devant la centrale nucléaire (CN) de Beznau contre le transport de combustible nucléaire irradié vers les usines de retraitement de plutonium (UP) de Sellafield (Royaume-Uni) et La Hague (France). Après 11 jours de protestation, 120 fonctionnaires, masqués, de la police cantonale argovienne et employés, également masqués, du service de sécurité de la CN ont envahi les voies et arrêtés les 8 militants.

Une année après, NOK a déposé une plainte contre Greenpeace au Tribunal de commerce du Canton de Zurich pour demander des dédommagements. Greenpeace a fait opposition et NOK a augmenté sa requête de dédommagement à CHF 605’041 francs et 92 centimes. Le 3 octobre 2000, le Tribunal de commerce a entièrement rejeté la plainte de NOK. NOK a fait recours – recours que la Cour de cassation du Canton de Zurich a rejeté, décision que le TF vient de confirmer. Coût final pour NOK: plus de CHF 60’000 francs de dédommagement pour Greenpeace et des frais de justice de plus de CHF 45’000 francs.

Cause de l’énorme demande de dédommagement de NOK: le retraitement du plutonium contenu dans le combustible nucléaire irradié, qui constitue un crime contre les humains et leur environnement, est une voie de garage pour les déchets radioactifs pour lesquels il n’existe pas encore de dépôt définitif sur notre planète. British Nuclear Fuels Limited (BNFL) et la Compagnie générale des matières nucléaires (Cogéma) sont les 2 principaux acteurs planétaires de l’industrie atomique, que ce soit pour la construction de réacteurs atomiques, leur arrêt ou le stockage intermédiaire de leurs déchets. Ils sont incontournables. L’interdiction du retraitement du plutonium prévu dans la nouvelle loi suisse sur l’énergie atomique en est aussi le plus controversé.

Avec cette exigence de dédommagement, NOK voulait définitivement bâillonner Greenpeace en la matière.
Les arguments que NOK a avancés pour justifier ses exigences jettent en outre une lumière inquiétante sur la culture de la sécurité de l’industrie atomique. Il est préoccupant que NOK ait manifestement dû améliorer son plan d’engagement et même faire appel à l’organisation d’urgence, pour assurer une exploitation sûre de sa CN, parcequ’une poignée de manifestants non violents et pacifiques se trouvaient devant l’enceinte. Cela pose la question de la préparation de NOK à un vrai cas grave; comme le prévoient les directives des autorités fédérales chargées de la sécurité, 24 heures sur 24 pendant toute la durée d’exploitation de la CN.

Cette décision du TF ne se prononce toutefois pas sur le fond sur la légalité du retraitement du plutonium, que contestent d’éminents spécialistes du droit. Le 4 novembre 1997, a porté plainte contre la pratique des nucléocrates suisses. Faute d’arguments, les autorités préfèrent refuser d’appliquer la loi et se repassent la plainte de Greenpeace. Greenpeace appelle les instances judiciaires argoviennes, chargées de l’instruction de cette plainte, d’agir et d’interdire enfin les transports de combustible nucléaire irradié vers les UP.