Les plongeurs rencontrent de plus en plus souvent des animaux marins qui transportent des fragments de plastiques restés accrochés sur leur corps – par exemple des requins baleines, des tortues ou des dauphins. Les chercheurs trouvent des baleines échouées dont l’estomac est rempli de déchets en plastique. Ou des albatros affamés qui en ont tellement avalés qu’ils ne peuvent plus se nourrir. Nos océans sont devenus une immense décharge publique.

Chaque année, plus d’un million d’oiseaux et 100’000 mammifères marins meurent dans de grandes souffrances en raison des déchets charriés par cette infâme soupe de plastique. Les animaux marins s’étouffent avec des porte-canettes, s’étranglent avec des morceaux de filets flottant à la dérive, ou meurent de faim car leurs organes digestifs sont remplis de plastique. Ils ne sont pas les seuls menacés. Tôt ou tard, les particules de plastiques et les poisons qu’elles contiennent sont renvoyés à l’expéditeur via la chaîne alimentaire. Les politiques ont longtemps ignoré le problème. L’Organisation des Nations Unies (ONU) a enfin décidé de s’y atteler. Pourtant, aucune solution n’est pour l’instant sur la table, alors qu’il y a véritablement urgence !

Qu’il s’agisse de microplastiques ou d’immenses filets fantômes – les déchets de plastique constituent un problème environnemental majeur dans toutes les mers du globe, du Sud au Nord, sur les côtes de même que dans les grandes profondeurs. Chaque année, jusqu’à 13 millions de tonnes de plastique partent au rebut dans les océans.

Les grands tourbillons formés par les courants marins en concentrent d’énormes quantités. Les déchets s’accumulent également au fond des mers où ils se mêlent aux sédiments. Après avoir examiné les flots de détritus rejetés par 192 pays côtiers, les experts australiens et américains estiment que 4,8 à 12,7 millions de tonnes de plastique ont été déversés dans les océans durant la seule année 2010. Ils tirent la sonnette d’alarme dans un article de la revue « Science »: sans une réduction drastique de l’utilisation du plastique ou une meilleure élimination des déchets, ces quantités pourraient augmenter jusqu’à 155 millions de tonnes en 2025.

Des animaux effrayés par les filets fantômes

L’élimination des filets de pêche usagés a un coût. Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient parfois discrètement abandonnés au large. Les déchets des pêcheries représentent environ 10% de la masse des détritus qui flotte dans les océans. Ces filets à la dérive sont des pièges mortels pour la faune marine. Un exemple, les filets maillants en matière synthétique déployés sur plus de 1000 mètres qui se détachent fréquemment des bateaux. Ces nappes de plastique recouvrent les récifs coralliens, les éponges et les bancs de mollusques, empêchant la vie de s’y développer. Sous le plastique, les organismes ne reçoivent plus suffisamment d’oxygène et meurent d’asphyxie. Des coraux rares sont menacés. Une réglementation plus stricte serait nécessaire. Si les filets étaient munis de balises de localisation, ils pourraient être retrouvés et repêchés.

La menace invisible des objets du quotidien

Dans l’immédiat, les États du G7 veulent mettre en œuvre un plan d’action commun pour empêcher que les océans se transforment en poubelle. Il est grand temps. Les chefs d’États et de gouvernements souhaitent initier un « mouvement planétaire ». Une déclaration inhabituellement combattive, mais qui redonne espoir. Pour endiguer les flots de plastique, tous les acteurs doivent unir leurs forces, qu’ils soient issus des milieux politiques, économiques, scientifiques ou simplement des consommatrices et des consommateurs. Des mesures très concrètes sont prévues pour éviter de produire des déchets qui finiront dans les océans, diminuer les quantités déversées et éliminer ceux qui s’y trouvent déjà. Certains points pourront encore être améliorés, mais globalement, c’est un bon début. La Suisse doit aussi faire sa part, en commençant par s’occuper de ses propres déchets! Rappelons que ce plan d’action ne vaudra que s’il est suivi d’actions.

Le cas des sacs en plastique est emblématique du gigantesque dépotoir que sont en train de devenir les mers. Fabriqués à base de pétrole, ils continuent à être considérés comme un mode d’emballage normal aux caisses des supermarchés, et, comble de l’absurdité, au rayon des fruits et légumes. Si le problème est désormais reconnu à l’échelle européenne, on attend toujours une solution cohérente au niveau législatif. L’UE exige que la consommation annuelle de sacs en plastique ne dépasse pas 40 unités par personne d’ici à 2025. Ce n’est certainement pas trop demander. Et en Suisse? L’interdiction annoncée a été repoussée à une date indéterminée.

Un danger plus grave encore vient des microplastiques: ces minuscules fragments polluent les océans, les lacs et les rivières. Ils proviennent d’objets dont nous nous servons tous les jours: cosmétiques, produits de nettoyage, textiles synthétiques, pneus de voitures, bouteilles, emballages et sacs. Chaque fois qu’un pull en matière polaire passe en machine, ce sont plus de 1900 fibres qui partent dans les eaux usées. Le problème est que ces plastiques contiennent des substances toxiques tels les assouplissants et les ignifuges. Les particules microscopiques peuvent s’introduire dans le corps humain via la chaîne alimentaire. Les scientifiques ne se sont guère penchés sur les dégâts qu’ils pourraient y causer. Des adjuvants dangereux pour la santé des êtres humains et des animaux sont en effet souvent ajoutés aux matières plastiques pour leur conférer certaines propriétés. Il s’agit du bisphénol-A, des phtalates (assouplissants) et des agents ignifuges bromés qui peuvent perturber le développement sexuel, endommager le patrimoine génétique et provoquer des cancers. Les déchets en plastique ont la capacité d’absorber comme des éponges les poisons présents dans l’environnement tels que le DDT ou le PCB. Ces toxiques s’accumulent dans les tissus adipeux des organismes aquatiques.

Mettre fin au gaspillage

La pollution des océans a chaque année de graves conséquences économiques. Les régions touristiques sont menacées, les plages doivent être constamment nettoyées, les déchets se prennent régulièrement dans les hélices des bateaux et les filets des pêcheurs. L’agriculture souffre également des terres souillées par les détritus à proximité des côtes. Ceux-ci causent des dommages aux systèmes de refroidissement des centrales électriques et bloquent le cycle de l’eau dans des installations de dessalage.

En 2006 déjà, Greenpeace avait attiré l’attention sur ce problème lors de son expédition « SOS Mers du monde ». L’usage insensé qui est fait du plastique ne peut plus durer ! « Neuf sacs en plastique sur dix ne sont utilisés qu’une seule fois, avant de finir à la poubelle. C’est du pur gaspillage. Aidez-nous à changer cela ! » s’exclame Carmelina Bonanno de Greenpeace Suisse. « Il faut interdire les sacs en plastique gratuits et les microplastiques présents dans les cosmétiques. Et prendre des mesures pour réduire les emballages en plastique du commerce. »