Genève, mardi 2 février 2021

Selon un nouveau rapport de Greenpeace Suisse, il apparaît que plus de la moitié du fourrage concentré donné aux animaux de rente en Suisse est importé. L’agriculture Suisse est ainsi dépendante de ces importations. Cette pratique entraîne de graves conséquences pour l’environnement et le climat en Suisse comme à l’étranger. Pire, cet état de fait est soutenu par la redistribution d’argent public dans le système de promotion des ventes de produits agricoles. Greenpeace Suisse exige que la Suisse cesse de subventionner les productions agricoles dépendantes des importations de fourrage.

Plus de la moitié de l’argent public dévolu à la promotion de la qualité et des ventes des produits agricoles, soit environ 39 millions de francs suisses, va à des produits issus de l’élevage. Cet argent est redistribué par les organisations faîtières des différents secteurs de production au travers de campagnes marketing comme par exemple la campagne “Viande Suisse” menée par Proviande. Cet état de fait est justifié avec un discours sur la durabilité : manger de la viande ou des produits laitiers suisses serait meilleur pour l’environnement et pour le climat. Manger des produits animaux locaux est uniquement durable si les animaux d’élevage sont nourris avec de la nourriture produite localement. L’étude de Greenpeace Suisse démontre que la production animale suisse est fortement dépendante aux importations de fourrage.

Depuis les années 1990, la quantité de fourrage importée en Suisse pour les animaux de rente n’a cessé d’augmenter et atteint aujourd’hui 1.4 millions de tonnes, dont environ 80% de fourrages concentrés à haute teneur en énergie et en protéines. Plus de la moitié du fourrage concentré utilisé en Suisse est importé. Le soja est la principale source de protéines. Près de la moitié de la surface nécessaire à la production de fourrage est située à l’étranger. Cela représente une surface d’environ 200’000 hectares.

Ces cultures provoquent des émissions de gaz à effet de serre considérables dans les pays de production, et permettent de garder plus d’animaux en Suisse, ce qui signifie que l’impact environnemental y est également plus élevé. “La production de fourrage entre en concurrence avec la production d’aliments pour les humains et entraîne une pression sur les sols toujours plus forte, qui menace les forêts, la biodiversité et le climat”, explique Alexandra Gavilano, chargée de campagne agriculture et climat pour Greenpeace Suisse. “En Suisse, sans importations de fourrage, la production de viande serait réduite de 50%.”

Nourrir des animaux avec du soja? Un désastre écologique!

L’exemple du Soja illustre bien le problème. Environ 70% des protéines dans les fourrages concentrés utilisés par les éleveurs suisses sont importées. Il s’agit avant tout de soja. Si le principal pays producteur de cette légumineuse reste les USA, la production explose au Brésil et aussi en Argentine. L’écrasante majorité de ce soja est cultivé à des fins de production de fourrage. Selon l’International Institute for Sustainable Development (IISD), 85% de la superficie mondiale de soja sert à produire des aliments pour animaux.

Au Brésil 90% de la production est exportée. La superficie consacrée au soja y a plus que triplé ces 20 dernières années, faisant du pays le second producteur et le premier exportateur dans le monde. Cette évolution se fait au dépend d’écosystèmes essentiels pour
la biodiversité, les personnes et pour le climat et ne concerne que 5% des exploitations agricoles, dont la majorité est aux mains d’industriels. « Plus de 50% du Soja importé en Suisse pour nourrir les animaux vient du biome amazonien et du biome du Cerrado, soit le poumon de la planète et le château d’eau du Brésil », rappelle Alexandra Gavilano.

Les importations de soja de la Suisse ont été multipliées par 6 depuis 1995. En 2019, 265’000 tonnes de tourteaux d’extraction de soja et 9’000 tonnes de graines ont ainsi été importées en Suisse. Alors que dans le reste du monde l’écrasante majorité du soja mondial est utilisée pour l’engraissement des volailles, en Suisse 40 % des protéines de soja sont utilisées pour l’alimentation des bovins, 30 % pour celle des volailles, 28 % pour celle des porcs et 2 % pour les autres. Cela s’explique par la production laitière très intensive et par les races à haut rendement qui ne peuvent pas vivre uniquement de fourrage grossier.

Officiellement, les organismes faîtiers du secteur de l’élevage, notamment Proviande, affirment que 85% du fourrage utilisé en Suisse est de production indigène. Ce chiffre s’appuie uniquement sur le poids total du fourrage et ne tient pas compte de l’importance des fourrages concentrés, dont un grand nombre d’animaux ne peuvent se passer dans leur nourriture. Or ceux-ci sont majoritairement importés. De la même manière, la Suisse continue de considérer les protéines issues du soja donné aux animaux de rente comme un « sous-produit de la production d’huile ». Ces différentes affirmations permettent de masquer la dépendance de l’agriculture suisse aux importations de fourrage et d’occulter le fait que l’engraissement des animaux en suisse se fait sur le dos de la production d’aliments pour les humains et de la biodiversité dans des pays tiers.

« Il est parfaitement normal que de l’argent public soit utilisé pour soutenir les agriculteurs suisses. Il est cependant inacceptable que ces subventions favorisent la destruction de l’environnement dans d’autres pays », argumente Alexandra Gavilano. Greenpeace Suisse estime que la Confédération doit investir ses subventions afin de soutenir une agriculture plus écologique et réviser en profondeur son système de promotion des ventes. Les agriculteurs, qui ont été incités à choisir la mauvaise voie par la Confédération, doivent être soutenus dans la transformation de leur production afin de l’adapter aux conditions locales en Suisse.


Les exigences de Greenpeace Suisse pour le Conseil Fédéral et le Parlement:


• Cesser de financer avec de l’argent public la commercialisation de produits issus de l’industrie de l’élevage comme la viande, les oeufs et les produits laitiers dont la production détruit l’environnement,
• Baser l’appellation “Suisse” pour la viande, les oeufs et les produits laitiers uniquement sur des critères réalistes,
• Promouvoir l’émergence d’une agriculture écologique adaptée à la situation géographique de la Suisse. Un modèle où la culture à grande échelle de fourrage pour les animaux est supprimée et qui met une quantité nettement plus importante de terres arables de qualité à la disposition directe de l’alimentation humaine,
• Cesser de freiner le débat politique sur la réforme de la politique agricole afin de rendre rapidement l’agriculture plus durable.


Le nouveau rapport de Greenpeace Suisse « L’Arnaque du fourrage »

Plus d’informations:

Alexandra Gavilano, chargée de campagne agriculture et climat pour Greenpeace Suisse, +41 44 447 41 38, [email protected]
Mathias Schlegel, porte-parole pour Greenpeace Suisse, +41 79 794 61 23, [email protected]