Depuis un an, la centrale nucléaire de Leibstadt fonctionne au-delà de sa durée d’exploitation initiale. Depuis lors, les tensions juridiques et politiques se sont intensifiées. Une procédure judiciaire engagée par des riverains, des exigences claires formulées par l’Allemagne et un précédent international récent remettent de plus en plus en question la poursuite de l’exploitation sans la réalisation d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE) transfrontalière.
Initialement prévue pour 40 ans, la centrale nucléaire de Leibstadt a vu son exploitation prolongée à la mi-décembre 2024. Depuis, la pression sur la Suisse s’intensifie.
Les riverains poursuivent la centrale nucléaire de Leibstadt en justice
En janvier 2025, quinze riverains ont déposé plainte contre le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) ainsi que contre l’exploitant de la centrale nucléaire de Leibstadt. Ils dénoncent la prolongation de l’exploitation de la centrale sans qu’aucune évaluation préalable des risques liés à son vieillissement ait été effectuée, mettant en danger la population et l’environnement, en Suisse et au-delà des frontières. Les plaignants invoquent des accords internationaux qui obligent la Suisse à réaliser une étude d’impact sur l’environnement (EIE) transfrontalière.
« Le fait que la centrale nucléaire de Leibstadt soit passée en mode d’exploitation à long terme sans évaluation environnementale est clairement contraire au droit international en matière d’environnement », déclare Stephanie Eger, responsable du secteur Énergie nucléaire à la Fondation Énergie (SES).
L’Allemagne exige une EIE – la Suisse s’y oppose
Une déclaration du ministère de l’Environnement, du Climat et de l’Énergie du gouvernement régional du Bade-Wurtemberg, prononcée le 7 août 2025 devant le Landtag (Parlement), indique que l’Allemagne exerce une pression croissante sur la Suisse. Outre le ministère de l’Environnement de Stuttgart, le ministère fédéral de l’Environnement, de la Protection du climat, de la Protection de la nature et de la Sûreté nucléaire (BMUKN) à Berlin considère également que les conditions pour réaliser une étude d’impact environnemental (EIE) transfrontalière sont remplies dans le cas de la centrale de Leibstadt.
Lors de la réunion de la Commission germano-suisse pour la sécurité des installations nucléaires (DSK) du 18 décembre 2024, la partie allemande a donc expressément demandé une EIE transfrontalière. L’Office fédéral suisse de l’énergie (OFEN) a rejeté cette demande, estimant qu’aucune procédure d’autorisation administrative n’était requise et qu’aucune étude EIE ne pouvait donc être réalisée.
La Suisse n’a pas non plus donné suite aux recommandations visant à informer et à associer la population résidant sur la rive allemande du Rhin. Les autorités allemandes ont alors engagé une procédure formelle de « notification » conformément à l’accord international (article 3, paragraphe 7, de la Convention d’Espoo). Elles exigent ainsi officiellement la réalisation d’une EIE transfrontalière.
Un précédent international accentue la pression
Le cas de Leibstadt est par ailleurs relégué au second plan par les événements récents concernant la prolongation de la durée d’exploitation du réacteur nucléaire français Tricastin 1, dans la vallée du Rhône. Cette centrale nucléaire fonctionne aussi depuis plus longtemps que prévu, sans qu’aucune étude EIE transfrontalière n’ait été réalisée. Tout comme la Suisse, la France s’est engagée à respecter les normes environnementales internationales (Convention d’Espoo, Commission économique des Nations unies pour l’Europe CEE-ONU). Le comité des Nations unies chargé de veiller au respect de la Convention d’Espoo (Comité de mise en œuvre) est arrivé à la conclusion que la France avait violé la convention (conclusions et recommandations du 19 novembre 2025). La poursuite de l’exploitation d’une centrale nucléaire vieillissante constitue un changement opérationnel important, ce qui rend en principe nécessaire une EIE transfrontalière. La Conférence des États parties à la Convention d’Espoo de décembre 2026 doit encore confirmer formellement cette conclusion.
« En Suisse aussi, les États ne peuvent pas réglementer l’exploitation à long terme des anciens réacteurs sans consulter la population », déclare Balthasar Glättli, président de l’Association Trinationale de Protection Nucléaire TRAS.
Nathan Solothurnmann, expert en énergie chez Greenpeace Suisse, précise : « La Suisse risque de violer ses obligations internationales si elle continue à renoncer à la transparence et à la participation dans le cas de la centrale nucléaire de Leibstadt. Elle doit examiner les effets transfrontaliers sur les personnes et l’environnement. »
Plus d’informations
Procédure judiciaire engagée par des riverains contre le DETEC et la centrale nucléaire de Leibstadt :
- Communiqué de presse du 5 février 2025 : Les riverain·es trainent la centrale nucléaire devant les tribunaux
- www.prozess-leibstadt.ch
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière («Convention d’Espoo»)
- La convention oblige les États membres à prendre des mesures pour prévenir, réduire et gérer les incidences transfrontières majeures d’un projet sur l’environnement. Dans un tel cas, une évaluation de l’impact sur l’environnement doit être réalisée et les parties potentiellement concernées ont un droit de regard.
- La convention est entrée en vigueur en Suisse le 10 septembre 1997.
Contacts
- Greenpeace Suisse: Nathan Solothurnmann, Expert en énergie, +41 76 514 90 48, [email protected]
- Fondation Énergie: Stephanie Eger, Responsable du secteur Énergie nucléaire, +41 44 275 21 20, [email protected]
- Association Trinationale de Protection Nucléaire TRAS: Balthasar Glättli, Président, +41 76 334 33 66, [email protected]


