Norma Bargetzi-Horisberger est membre du conseil d’administration des Aînées pour le climat Suisse, un groupe de femmes âgées déterminées qui dénoncent la politique climatique de la Confédération. Suite au rejet de leur affaire devant les tribunaux en Suisse, elles ont porté leur cas devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg, affirmant que le réchauffement climatique constitue une menace directe pour leurs droits fondamentaux.

Nous attendons maintenant le verdict, qui doit arriver cette année, et dont l’issue revêtira une importance historique pour la justice climatique dans le monde entier.

Alors que nous commémorons la Journée internationale des droits des femmes, nous avons eu le privilège d’interviewer Norma pour plonger dans son parcours et son engagement pour la justice environnementale.

Norma Bargetzi-Horisberger
Norma Bargetzi-Horisberger devant le Palais fédéral à Bern.
© Kathrin Grissemann / Ex-Press

Qu’est-ce que la justice climatique signifie pour vous ?

Une position éthique et politique qui façonne fortement ma vision du monde et ma compréhension de l’humanité, et qui revêt une grande importance dans ma quête de sens dans la vie. Les êtres humains sont des êtres sociaux qui ne peuvent aller bien que lorsque les autres et leur environnement vont bien aussi. Nous avons besoin d’un sentiment d’appartenance et de la possibilité de nous épanouir. Pour cela, il nous faut l’égalité des droits et des chances. La crise climatique nous montre clairement à quel point ces droits sont ignorés et bafoués.

Qu’est-ce qui vous motive à lutter contre l’injustice ?

J’ai personnellement vécu une discrimination douloureuse dans ma jeunesse. Au début je me demandais souvent « Pourquoi moi? », puis, tout simplement, « Pourquoi?”. Cela a libéré en moi une grande énergie, une volonté de s’opposer aux injustices. Et soudain, il ne s’agissait plus seulement de moi. Mon regard s’est élargi. J’ai rencontré d’autres personnes, les thèmes ont pris de l’ampleur, et, progressivement, cette lutte est devenue partie prenante de mon quotidien.

Comment restez-vous courageuse ?

Je ne suis pas toujours courageuse. La question serait plutôt: comment retrouver le courage ? Je le fais en me connectant avec d’autres personnes dans une posture de solidarité. En me remémorant les petits succès et en me réjouissant à nouveau lorsque les grandes déceptions menacent de m’étouffer. En me permettant d’être touchée par la douleur et la souffrance, sachant qu’elles font partie de mon parcours et que je ne peux que les surmonter en collaborant avec d’autres personnes. En célébrant chaque petit pas accompli sur ce chemin souvent cahoteux !

Que signifie l’engagement pour vous ?

Cela signifie donner de l’espace à ma voix pour qu’elle soit entendue et qu’elle puisse aider les autres à sortir de la léthargie ou de l’inertie. C’est être présente et créative, là où nécessaire, pour exprimer mon amour et mon respect pour la vie quand ces derniers me semblent menacés.

Pourquoi le réchauffement climatique est-il une question importante pour les femmes ?

Les femmes sont fortement menacées par le réchauffement climatique. En tant qu’ Aînées pour le Climat, nous avons pris en compte les menaces qui pèsent sur notre santé, à nous les séniores, dans le contexte de l’augmentation des vagues de chaleur. Nous affrontons nos autorités pour obtenir des mesures plus efficaces et plus fortes afin de faire face à la crise du climat. Dans les pays en développement, les femmes sont encore plus touchées par les catastrophes car elles assurent l’approvisionnement de leur famille en nourriture, en eau et en combustible. Comme le réchauffement climatique détériore l’approvisionnement, leur travail et leurs responsabilités deviennent de plus en plus difficiles.

À votre avis, quel rôle les femmes jouent-elles dans le changement du monde ou dans le mouvement pour la justice climatique ?

Le soin, la connexion, la durabilité forte: voilà les thèmes des mouvements éco-féministes. Leurs objectifs environnementaux sont l’émancipation, l’égalité et l’abolition de la hiérarchie. Les femmes luttent contre la culture patriarcale dominante, qui est en partie responsable des changements catastrophiques de notre climat. Leur lutte pour l’égalité implique également la lutte pour de nouveaux paradigmes qui mettent l’accent sur le lien entre la justice environnementale et l’inégalité des sexes.

© Miriam Künzli / Ex-Press / Greenpeace

Selon vous, que faut-il pour accélérer l’impact du mouvement et des communautés impliquées ?

Rester engagé·e, ne pas se décourager, être transparent·e et empathique envers les autres, ne pas craindre les conflits mais croire en la créativité de nouvelles solutions. Je ne sais pas si une accélération est possible, même si je la souhaite vivement. L’histoire nous montre qu’il faut plusieurs générations pour que les humains changent d’attitudes, de valeurs et de croyances. 

Sinon, il faut un choc ou une catastrophe majeure alors (malheureusement !). Je souhaite vivement que nous puissions nous en passer.

Qu’aimeriez-vous transmettre ?

Prendre soin et entrer en relation avec ce qui nous entoure, qu’il s’agisse d’êtres humains, d’animaux, de plantes, mais aussi d’objets dont nous nous entourons, leur donner une valeur afin qu’ils ne soient pas immédiatement jetés. Prendre soin les un·es des autres.

« Apprenez aux enfants la magie de la vie… racontez-leur le rêve d’une ancienne espérance, donnez confiance à l’amour – giro giro tondo, le monde change » de la chanson de Giorgio Gaber « Non insegnate ai bambini ».

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