La Suisse a déposé sa prise de position sur le recours des Aînées pour la protection du climat et de 4 personnes individuelles à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). L’Office fédéral de la justice (OFJ) y défend les mesures insuffisantes prises par la Suisse en matière de protection du climat. Il aimerait en même temps que la CEDH renonce à se prononcer sur le contenu de ce recours. Cette réponse de la Suisse est incompréhensible compte tenu des avertissements de plus en plus insistants du monde scientifique en ce qui concerne la crise climatique et à l’atteinte manifeste aux droits humains.

Les Aînées pour la protection du climat et 4 personnes individuelles luttent depuis des années pour plus de protection du climat en Suisse parce que la crise climatique s’aggrave et menace leurs droits à la santé et à la vie. C’est pour cela qu’en 2020, les Aînées pour la protection du climat ont recouru à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg (voir encadré). En mars 2021, la CEDH a accordé la priorité à leur recours et a invité la Suisse à prendre position.

La réponse publiée par l’Office fédéral de la justice (OFJ), qui représente la Suisse, montre que la Confédération se défend de toutes ses forces contre le traitement du recours pour le climat par la CEDH. « La Suisse ne veut pas assumer ses responsabilités dans la crise climatique et ignore que le dérèglement climatique, qui est déjà en cours, et dont elle est coresponsable menace notre santé. C’est pour cela que protéger le climat signifie aussi protéger nos droits fondamentaux, » explique Anne Mahrer, coprésidente des Aînées pour la protection du climat Suisse.

Dans ses remarques liminaires, l’OFJ refuse à la CEDH le droit de se prononcer sur le fond de ce problème. Les Aînées pour la protection du climat et Greenpeace Suisse – qui soutient cette action en justice depuis le début – sont perplexes devant cette réaction. « La crise climatique est devenue une des principales menaces pour les droits humains. Qui, si ce n’est la CEDH, dont le traitement des atteintes aux droits humains constitue la spécificité, peut examiner si les droits fondamentaux des Ainées sont suffisamment protégés en Suisse ? » demande Georg Klingler, chargé de campagne climat pour Greenpeace Suisse.

La Suisse ignore tous les signaux d’alerte

Dans sa prise de position, l’OFJ affirme que la Suisse ne contribue que peu au réchauffement climatique. « Cette fable sur la faible importance de la Suisse se base sur une astuce comptable, » dénonce Georg Klingler. « Notre consommation provoque d’énormes émissions à l’étranger et les investissements effectués par notre place financière attisent la crise climatique. Si l’on tient compte de ce qui précède, la Suisse fait partie des pays qui ont une grande influence sur le changement climatique. »

L’OFJ défend avec véhémence la politique climatique de la Suisse sans tenir compte de la réalité. Il la qualifie de suffisante et insiste sur le fait que la politique climatique se base sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles. Cela va à l’encontre de l’avis des meilleurs spécialistes du climat qui considèrent que la Suisse n’en fait pas assez pour maitriser la crise climatique [1] – comme d’ailleurs pratiquement tous les pays industrialisés. L’OFJ ignore ainsi aussi les nombreuses inondations, vagues de chaleur et feux de forêt qui ont eu lieu cette année et qui montrent dramatiquement les manquements de ces dernières années dans le domaine de la protection du climat.

Il est donc d’autant moins compréhensible que l’OFJ avance l’argument qu’il y a encore assez de temps, car un réchauffement de 1.5°C ne sera atteint qu’en 2040. Faux ! Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre que le réchauffement de l’atmosphère planétaire augmente plus rapidement que prévu et qu’avec l’évolution actuelle, la limite des 1.5°C sera dépassée dans les années 2030. « L’argumentation de l’OFJ qui prétend que nous avons encore le temps est absurde. Cela signifie que nous avons le droit de nous défendre contre les manquements de notre pays que lorsqu’il est déjà trop tard pour prendre les mesures préventives pour protéger le climat, » dénonce Anne Mahrer.

L’OFJ explique aussi que la protection du climat coûte cher. « Ne rien faire coûtera beaucoup plus cher. Nous vivons dans le pays qui occupe la 2ème marche du podium en termes de PIB par habitant. Si la Suisse ne peut pas s’offrir des mesures de protection du climat efficaces, qui d’autre le pourra ? » demande Anne Mahrer.

L’équipe juridique des Aînées pour la protection du climat va analyser en détail tous les arguments avancés par la Suisse et adresser une réplique à la CEDH d’ici le 13 octobre. La CEDH décidera ensuite ce qu’il doit advenir du recours contre la Suisse.

[1] Climate Action Tracker: https://climateactiontracker.org/countries/switzerland/

Plus d’informations

L’action en justice des Aînées pour la protection du climat


En 2016, les Aînées pour la protection du climat et quatre personnes agissant en leur nom propre se sont adressées à la Confédération pour demander un renforcement de la protection du climat eu égard à leurs droits fondamentaux à la santé et à vie. Elles n’ont jamais été entendues, le Tribunal administratif fédéral et ensuite le Tribunal fédéral ont rejeté leur requête. C’est pour cela qu’en novembre 2020, les Aînées pour la protection du climat recourent à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg. Dans leur recours, les Aînées critiquent l’atteinte à leur droit à la santé et à la vie, au droit à une procédure équitable devant un tribunal et le droit à un recours effectif devant une instance nationale. En mars 2021, la CEDH a donné son feu vert au recours contre la Suisse et a accordé la priorité à ce cas. Plus d’informations sur : https://ainees-climat.ch/

Contacts:

Français
Anne Mahrer, coprésidente des Aînées pour la protection du climat, 079 249 72 17, [email protected]
Raphaël Mahaim, avocat au barreau, 079 769 70 33, [email protected]

Deutsch
Rosmarie Wydler-Wälti, coprésidente de l’association Aînées pour la protection du climat, 079 567 67 73, [email protected]
Cordelia Bähr, avocate des Aînées pour la protection du climat, 078 801 70 34, [email protected]
Martin Looser, avocat des Aînées pour la protection du climat, 079 481 76 88, [email protected]
Georg Klingler, responsable climat chez Greenpeace Suisse, 079 785 07 38, [email protected]

Italiano
Norma Bargetzi, Anziane per la protezione del clima, 079 352 98 89, [email protected]