Ce 7 juillet 2025, l’Office fédéral de l’Énergie (OFEN) publie la Statistique globale suisse de l’énergie 2024, et elle marque un tournant historique. Pour la première fois, plus de 10% de l’électricité produite en Suisse provient du solaire. Ce chiffre, en apparence modeste, représente en réalité une avancée majeure. La transition énergétique est une dynamique bien réelle et ses perspectives deviennent concrètes. Cette évolution confirme que le changement est possible et qu’il est déjà en cours.
Ce qui nous paraît presque naturel aujourd’hui relevait encore de l’utopie il n’y a pas si longtemps. En 2010, les dirigeant·es des grands groupes énergétiques n’hésitaient pas à tourner le solaire en dérision. En témoigne cette diapositive tirée d’une présentation d’Atel (devenue depuis Alpiq) et produite en 2006 pour vanter les mérites de la construction d’un nouveau réacteur nucléaire à Gösgen. (Le projet a finalement été abandonné dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050.):
| Traduction de la diapositive: Potentiel énergétique: décimales et proportions Pour les deux décimales avant la virgule, nous avons besoin de nouvelles grandes centrales électriques en Suisse et en Europe. Les nouvelles énergies renouvelables sont importantes. Mais elles résolvent seulement le problème des deux décimales après la virgule. Source: Atel Media Conference Renewable Energy Sources (2006) Légende: Seules des contributions « à la décimale après la virgule » sont attendues des énergies renouvelables. Dossier de presse de Giovanni Leonardi, promoteur de la centrale nucléaire « Gösgen 2 ». |
À l’époque, les énergies renouvelables étaient reléguées aux seconds rôles. L’objectif consistait à préparer le terrain pour de nouveaux projets nucléaires en freinant à la fois les investissements économiques dans les solutions décentralisées comme le photovoltaïque et le soutien politique pour de tels projets..
L’histoire en a décidé autrement. Ces pronostics se sont révélés profondément erronés. Non seulement la technologie solaire connaît un essor fulgurant, mais la société elle-même a évolué. Partout en Suisse, des citoyen·nes, des communes, des coopératives et des pionnier·ères installent des panneaux solaires avec une détermination sans faille. Le plus souvent ces projets sont réalisés sans soutien public.
Ce cap symbolique des 10% est le fruit des efforts de la société civile et non des grandes compagnies électriques. Cela démontre que les énergies renouvelables locales et décentralisées sont une réalité bien concrète. Il prouve aussi qu’à condition d’en avoir la volonté, le développement massif du solaire peut se faire sans méga-chantiers, sans technologies à risque ni décennies de planification.
Ce succès ne doit toutefois pas nous endormir. Alors que nous célébrons les 10% d’électricité solaire, une nouvelle rhétorique émerge déjà. Les mêmes voix qui dénigraient hier encore l’énergie solaire appellent désormais à construire de nouvelles centrales nucléaires. Ce discours fait abstraction des risques inchangés du nucléaire et balaie les enseignements tirés des quinze dernières années. La transition énergétique ne repose pas sur des méga-projets centralisés, mais sur un déploiement large, local et renouvelable, fondé sur le solaire et l’éolien.
Selon le dernier rapport de l’Académie suisse des sciences naturelles (SCNAT), un nouveau réacteur nucléaire ne pourrait pas produire d’électricité en Suisse avant 2050, au plus tôt. Un tel projet entraînerait des coûts colossaux, des risques considérables et accaparerait à nouveau du temps et des ressources précieuses, que nous n’avons plus le luxe de gaspiller.
Avec cette étape historique, il devient clair que les chants des sirènes pro-nucléaire ne sont que des promesses creuses. Ne nous laissons pas séduire! L’essentiel aujourd’hui c’est d’accélérer le développement des énergies renouvelables, investir dans l’efficacité énergétique, construire des systèmes de stockage et renforcer nos réseaux. Les gesticulations en faveur d’une relance du nucléaire en Suisse constituent une perte de temps coûteuse face au défi du climat et de la sécurité de l’approvisionnement.
L’avenir de la Suisse est solaire. À nous de le faire briller.


