Comment garantir nos besoins essentiels et le respect des limites planétaires? La solution réside peut-être dans un donut. Un nouveau modèle économique émerge depuis une quinzaine d’années et inspire des dizaines de villes dans le monde entier à faire évoluer leurs activités. Un modèle que nous voulons voir se concrétiser aussi en Suisse. Explications.
En Suisse comme au niveau global, la consommation de ressources naturelles dépasse largement ce que la planète peut offrir. La gestion actuelle de notre économie nous amène à dépasser les limites planétaires et met en danger notre avenir. Pourtant les messages venus du monde scientifique sont formels. Il est possible d’assurer le bien être de tout le monde avec ce que l’environnement peut nous offrir. Il faut toutefois tenter une nouvelle approche, afin de trouver un équilibre entre la satisfaction des besoins individuels et le respect des limites planétaires.
C’est ce que propose l’économie du Donut. L’approche, développée par l’économiste britannique Kate Raworth depuis une quinzaine d’années, propose une nouvelle manière d’analyser l’efficacité des projets, que ce soient des activités économiques ou des services publiques. Cet outil d’analyse prend la forme d’un donut. Le cercle intérieur représente le socle social, soit les biens, les services et les libertés fondamentales qui assurent le niveau de vie minimum que toute société doit garantir. Le cercle extérieur représente les limites planétaires, soit le climat, la biodiversité, l’eau douce ou la santé des sols. C’est le plafond écologique à ne pas dépasser. Selon ce modèle, nos activités doivent trouver le moyen de toujours se situer entre les deux cercles, pile dans le donut.

Des communes heureuses grâce au donut
C’est bien joli le donut, mais est-ce qu’un modèle aussi théorique permet concrètement de faire évoluer notre approche de l’économie et des services publics? Plusieurs dizaines de communes, dont la taille varie du petit village rural, comme Tomelilla dans le sud de la Suède, à des grandes villes comme Amsterdam, Glasgow ou Grenoble, ont fait le choix d’implémenter l’approche du donut dans leurs processus de décision.
Des expert·es, dont Kate Raworth, et des représentant·es de certaines de ces communes se sont réunies récemment à Tomelilla en Suède, pour partager leurs expériences. Parmi les personnes présentes, il y avait aussi notre experte des questions liées aux transformations socio-économiques, Annina Aeberli.
Le village de Tomelilla, 7’000 habitant·es, a fait le choix de l’économie du donut. Une expérience qui a même récemment fait l’objet d’un reportage dans le journal anglais The Guardian. En collaboration avec des scientifiques, les responsables politiques, l’administration et les habitant·es ont déterminé les points faibles et les points forts de la commune. Il en résulte un diagnostic précis qui oriente ensuite les objectifs choisis et leur mise en œuvre dans une feuille de route.
“L’approche du donut repose toujours sur des données précises et de nombreux échanges entre les différents partenaires”, explique Annina Aeberli. “Il faut aboutir à une vision collective de la direction à prendre”.

Les communes du bonheur
L’économie du donut est une approche qui fonctionne bien avec la décentralisation et la création collaborative de projets. Les villes et les villages peuvent tracer leur propre donut afin d’adapter leurs activités aux besoins essentiels et aux limites planétaires. Une approche qui permet aussi d’impliquer les habitant·es et les différents acteurs économiques et sociaux.
La Suisse a un atout particulier dans ce contexte. Le fédéralisme donne plus de libertés aux communes que d’autres systèmes politiques. Une opportunité que nous voulons saisir afin de faire avancer la transformation de notre société et de notre économie, essentielle pour protéger le climat et la biodiversité. Avec notre projet “Commune du bonheur” (Gemeindeprojekt – mené uniquement en allemand), nous voulons trouver deux communes en Suisse alémanique prêtes à se lancer dans le donut.
“Une fois ces communes trouvées, le lancement du projet, notamment l’établissement du diagnostic et de la feuille de route vont nous demander de nombreux échanges avec les habitant·es, les membres de l’administration publique, les décideur·ses politiques et les différents acteurs économiques et sociaux”, explique Annina Aeberli. “Nos ressources humaines limitées nous permettent uniquement de faire ce travail en allemand. Si le succès est au rendez-vous, nous nous assurerons de faire rayonner ces exemples bien au-delà des frontières linguistiques avec l’espoir d’inspirer d’autres villes ou villages à croquer dans le donut.”
Ajoutons qu’en Suisse romande, il existe déjà plusieurs initiatives qui reprennent le modèle du donut dans la planification publique. L’université de Lausanne a par exemple établi un diagnostic et une première feuille de route pour le Grand Genève, un groupement de collectivités publiques transfrontalier qui couvre plus d’un million d’habitant·es.


