C’est maintenant officiel. Le désherbant Roundup produit par la multinationale agrochimique américaine Monsanto est probablement* cancérogène, selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).


Bien que le glyphosate soit homologué depuis 1975, il y a très peu d’études indépendantes sur son impact pour la santé humaine. ©Greenpeace/Baléia (Archives)

Bien que le glyphosate soit homologué depuis 1975, il y a très peu d’études indépendantes sur son impact pour la santé humaine. ©Greenpeace/Baléia (Archives)

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – une agence de l’OMS – a récemment publié une évaluation de la cancérogénicité de cinq pesticides organophosphorés, dont le glyphosate, un principe actif à la base du désherbant le plus répandu dans le monde, le Roundup. Résultat: le glyphosate est sur la sellette.

En Suisse, le glyphosate est l’un des pesticides le plus répandu: 300 tonnes ont été vendues en 2013 et plus de 100 produits en contiennent. On l’utilise aussi bien pour l’agriculture que dans les jardins privés ou encore le long des routes. Car c’est un puissant désherbant! Bien qu’en Suisse, les cultures GM soient interdites, on voit encore chaque printemps des champs qui virent au jaune.

Marianne Künzle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace Suisse précise: « Lorsque tout est vert, le printemps toxique peut commencer. De nombreux champs sont pulvérisés avec du glyphosate avant le semis. En quelques jours, ils se transforment en déserts jaune-orange. La folie du glyphosate dans les champs et les jardins privés doit absolument être stoppée. »

Lors de l’introduction des cultures GM, on prétendait notamment qu’il leur faudrait moins de produits chimiques pour mieux croître. Mais c’est exactement le contraire qui s’est passé. Les mauvaises herbes sont devenues résistantes aux glyphosates et, par conséquent, la quantité d’herbicide utilisée par les agriculteurs a augmenté.

Aux Etats-Unis, où 29,5 millions d’hectares sont consacrés aux cultures GM, le Département américain de l’agriculture (USDA) a donné son feu vert à l’utilisation des glyphosates. La même instance fixe également le seuil autorisé de résidus de pesticide dans l’alimentation. Ce seuil a été relevé en 2013 à la demande de Monsanto.

L’évaluation de l’OMS est une mauvaise nouvelle pour Monsanto. Les représentants de la société ont déclaré à l’agence Reuters qu’ils vont tenter de faire annuler le rapport. Il est vrai que les ventes annuelles de Monsanto, s’élevant à 15,9 milliards de dollars (CHF14,5 milliards) dépendent étroitement du glyphosate, et que la plupart des cultures de la société sont conçues pour être utilisées en interaction avec lui.

Patrick Moore, lobbyiste en faveur de l’agrochimie, a rétorqué à un journaliste que l’innocuité du glyphosate est si faible qu’on peut le boire… Voyez sa réaction, lorsqu’on lui en propose un verre:

En fait, on ne sait que peu de choses sur les impacts à long terme de ce poison présent dans les denrées alimentaires, les sols et les eaux. Et on en sait encore moins sur ce qu’il devient dans le corps humain. Au printemps 2013, une étude effectuée en Europe débouche sur des résultats inquiétants. Des traces de l’herbicide total glyphosate ont été retrouvées dans l’urine de près de la moitié des personnes examinées. Le laboratoire a testé des échantillons d’urine provenant de 18 pays européens. Mardi soir Arte a diffusé un excellent documentaire intitulé « Pesticides et santé », que l’on peut revoir sur Arte+7

Bien que le glyphosate soit homologué comme herbicide total depuis 1975, il y a très peu d’études indépendantes sur ses possibles nuisances à long terme pour la santé humaine. Des études scientifiques récentes suggèrent que l’ingestion permanente de faibles doses, telles que celles qui ont été prouvées dans tous les pays européens a des répercussions négatives sur le système hormonal humain.

L’utilisation de ce poison très puissant est marquée par de grandes incertitudes aussi bien pour la santé humaine que pour la nature, car l’homologation de cet herbicide se base presque uniquement sur les données des fabricants eux-mêmes. De plus, il n’y a aucun contrôle de présence du glyphosate dans les aliments.

D’énormes intérêts sont en jeu, mais également d’importantes responsabilités. Cultivateurs et consommateurs, nous sommes tous appelés à nous interroger et à agir. Nous devons investir dans une agriculture biologique sans produits chimiques. Il est temps de reprendre le contrôle de notre alimentation et de veiller à notre santé. C’est le premier pas à faire si nous voulons être des humains en bonne santé, sur une planète saine.


*Si vous vous demandez ce que signifie le « probablement » dans le titre du quotidien britannique The Guardian, le CIRC a regroupé les évaluations de la cancerogénicité en cinq catégories parmi lesquelles le « probablement cancérogène » (Group 2A) exprime un risque supérieur au « peut-être cancérogène » (Group 2B), mais inférieur au simple « cancérogène chez les êtres humains » (Group 1)