Le problème du plastique nous donne un sentiment d’impuissance. Et ce film n’est pas de nature à nous rassurer. Pourtant, les consommateurs détiennent eux aussi un pouvoir. Les biens de consommation et les services évoluent dans le sens de l’écologie. Nous avons le choix, par exemple lorsque nous achetons des sous-vêtements ou passons au salon de coiffure. Notre consommation est une manière de protéger l’environnement, comme par magie. Il suffit de faire les bons gestes.

Tout va bien, alors ? Faux. Même s’il est juste de passer à la production renouvelable, elle n’est pas toujours la solution, car les limites de la croissance sont une réalité. Le pétrole reste une ressource limitée. Les surfaces cultivées pour les énergies végétales et la cellulose ne sont pas infinies. Et la mer, cette décharge discrète pour nos innombrables déchets plastiques, ne peut pas tout avaler.

Protéger la nature, c’est la laisser à l’état sauvage, et idéalement amplifier l’espace qui lui est réservé. Mais nous ne sommes pas conscients de nos limites. Jusqu’où aller ? Quel est l’équilibre idéal entre l’offre et la demande ? Une économie plus verte ne doit pas se faire au détriment de la nature. Ni pour le lithium des batteries des voitures électriques, ni pour la prospection de gisements pétroliers, ni pour la production illimitée de plastique. Nous devons adapter notre mode de consommation aux limites de la planète. Le voyage écologique est celui qui se fait sans moteur. Pas celui en avion ou en voiture de location. Le globe-trotter qui possède cinq paires de chaussures de sport et une garde-robe débordante est une absurdité.

Protéger l’environnement, c’est optimiser. Pas au niveau du produit, mais au niveau de la consommation. Optimisons notre consommation, pour obtenir un équilibre éthiquement et écologiquement défendable entre l’offre et la demande. C’est à ce moment-là que nous pourrons nous reposer dans nos chaises en plastique compostable et nos voitures électriques silencieuses. Le film «A Plastic Ocean» convaincra les plus endurcis. Après, si vous cherchez une paille pour vous y accrocher, éviter celle en plastique. Choisissez la version en papier. Elle existe également en couleur.

Texte introductif pour l’interview d’Inga Laas (ci-dessous).

Le docteur Jenniver Lavers et le réalisateur Craig Leeson examinent des mouettes pour voir si elles ont avalé du plastique.

 

GEO.de : Monsieur Leeson, certains cinéastes filment la beauté des plages ou le monde fascinant des profondeurs. Pourquoi avez-vous choisi de faire un film sur un sujet aussi peu ragoûtant que les déchets plastiques dans les océans ?

Craig A. Leeson : C’est par une de mes amies, Jo Ruxton, qui est biologiste et a produit le film, que j’ai pris conscience du problème en 2010. À l’époque, elle préparait une expédition scientifique sur le vortex de déchets du Pacifique. Elle m’a demandé si j’avais été frappé par les dépôts de plastique dans la mer et sur les plages lors de mes voyages ou de mes sorties en surf. Je lui ai répondu que non, mais je lui ai promis d’y être désormais plus attentif. À partir de ce moment, j’ai commencé à voir du plastique partout. Je m’étais tellement habitué à sa présence que je ne le remarquais plus.

Lorsque Jo est revenue de son expédition, elle n’avait pas découvert un nouveau continent de plastique, mais mis au jour un danger bien plus sournois : un océan de micro-plastiques. Nous avons réalisé l’ampleur du problème. Mais nous ne savions pas encore à quel point les autres océans étaient eux aussi contaminés. Nous ignorions également les effets sur la faune marine. C’est ce que nous avons voulu tirer au clair. Nous nous sommes embarqués pour une expédition qui a duré quatre ans sur vingt sites répartis tout autour du globe.

Le plastique est moche, et il peut être mortel pour les animaux et les oiseaux marins qui l’avalent. Mais en quoi est-il dangereux pour les êtres humains ?

Nous nous sommes aussi posé cette question lorsque nous nous sommes apperçu qu’une très grande quantité d’animaux marins avalent des morceaux de plastique. Beaucoup d’entre eux font partie de notre chaîne alimentaire. Le problème vient des métaux lourds et des substances toxiques déversées dans les mers par les industries : ils ne se dissolvent pas dans l’eau mais se déposent sur les matériaux solides. Le plastique se comporte comme une véritable éponge à toxines. Du plancton au requin, celles-ci s’accumulent dans la chaîne alimentaire marine, au bout de laquelle on trouve souvent l’être humain. Les chercheurs ont montré que ces substances toxiques peuvent favoriser le cancer et le diabète, engendrer des troubles du développement et de l’apprentissage, déclencher des maladies auto-immunes et diminuer notre fertilité.

L’humanité parviendra-t-elle à maîtriser le problème ?

Actuellement, nous avons complètement perdu le contrôle de la situation. Durant la seule année 2017, 300 millions de tonnes de plastiques auront été produites, dont la moitié à usage unique. Nous aurons consommé davantage de plastique pendant la décennie en court que pendant toutes les années qui se sont écoulées depuis l’invention de ce matériau. Une grande partie de cette masse finit dans les océans, à raison de huit millions de tonnes chaque année – dont 70 % se déposent sur les fonds marins. Ce que nous voyons à la surface n’est qu’une petite partie du problème.

Avez-vous vous-même appris quelque chose durant le tournage ?

Ce que j’ai appris, c’est que le plastique ne disparaît jamais. Lorsque nous le jetons loin de notre vue, il n’en continue pas moins à exister – dans le gosier ou l’estomac des autres espèces. J’ai été choqué lorsque j’ai réalisé que je portais moi-même une part de responsabilité. Tout ce que nous jetons sans y penser – brosses à dents, sacs en plastique, pailles – on le retrouve dans l’estomac des oiseaux.

Que faites-vous aujourd’hui pour sauver les océans ?

Nous avons tendance à oublier que sous sa fragile atmosphère, la Terre est un minuscule îlot de vie perdu dans le cosmos. C’est maintenant qu’il faut agir, car nous n’aurons pas d’autre chance. Personnellement, j’essaie d’attirer l’attention sur les problèmes de notre planète en tournant des films et en racontant des histoires en tant que journaliste. À la maison et dans le studio de production, nous recyclons absolument tout, les restes de nourriture sont transformés en compost que j’utilise pour faire pousser des légumes.

Et que peut faire chacun-e d’entre nous ?

Soyez attentif. Passez en revue chaque objet que vous jetez et demandez-vous s’il y a un moyen de le réutiliser ou de le recycler. Ayez toujours avec vous une bouteille à remplir d’eau du robinet – ce qui est souvent 100 % moins cher. Ne buvez jamais à la paille ! Aux États-Unis, en une seule journée, on utilise 500 millions de pailles. Emportez un sac réutilisable quand vous allez faire vos courses et n’achetez pas de légumes emballés dans du plastique. Bannissez les gels de douche et les dentifrices qui contiennent des micro-plastiques. Nous en avons trouvé dans tous les océans que nous avons examinés. Lavez vos mains, vos cheveux et votre corps avec un pain de savon plutôt qu’avec du savon liquide, qui se compose surtout d’eau et exige inutilement beaucoup d’emballage. Passez le plus rarement possible vos vêtements en laine polaire en machine ! Lors de chaque cycle de lavage, des particules de plastique microscopiques s’écoulent dans les rivières et les mers. Et le plus important : faites pression sur vos instances politiques locales et exigez des entreprises qu’elles s’engagent à utiliser le plastique de manière responsable. L’Allemagne a déjà fait beaucoup de progrès dans ce domaine, par exemple avec l’instauration du Point Vert en 1991.

Le documentaire « A Plastic Ocean » [« Un océan de plastique »] est projeté dans le cadre de l’International Ocean Film Tour. Le festival tourne dans différents lieux d’Allemagne durant tout le mois de mai. Dates et informations :