Ce mercredi matin à Berne, nous avons remis les signatures de notre action collective concernant les flux financiers nuisibles au climat aux autorités fédérales. Plus de 23 000 personnes exigent des mesures réglementaires urgentes pour que les flux monétaires de la place financière suisse soutiennent la transition vers une économie mondiale respectueuse du climat.  Les militants Greenpeace ont apporté trois énormes sculptures des trois singes de la sagesse. Au lieu de mains, les billets de banque couvrent les yeux, les oreilles et la bouche des personnages. Ils symbolisent les autorités qui ne voient pas, n’entendent pas et ne veulent pas agir.

En soutenant l’action collective, les signataires confirment le résultat d’un sondage représentatif réalisé par GFS-Zurich : plus des deux tiers de la population est favorable à une régulation de la place financière afin de la rendre respectueuse du climat. L’action collective soutient également les exigences de notre plainte contre les autorités de surveillance, que nous avons déposée en juillet contre l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP) et la Banque nationale suisse (BNS). La plainte montre comment les institutions susmentionnées, en tant qu’autorités publiques, seraient déjà obligées d’exercer une influence sur les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance surveillés pour s’assurer que leurs flux financiers sont conformes aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris sur le climat. Nous attendons une première réponse des Commissions de gestion du Parlement fédéral (CDG) encore cette année.

Pourquoi la régulation est-elle importante ? Les acteurs financiers agissent sur la question du climat, mais ils le font trop lentement. Les banques et les compagnies d’assurance, par exemple, annoncent à plusieurs reprises qu’elles réduiront leur coopération avec les producteurs de combustibles particulièrement nocifs pour le climat (comme le charbon ou les hydrocarbures non-conventionnels). Mais il subsiste de nombreuses failles grâce auxquelles l’industrie fossile peut encore recevoir de l’argent ou des prestations d’assurance. Il faut réguler pour s’assurer que les activités des acteurs de la place financière ne puissent plus attiser la crise climatique. Seules les entreprises qui peuvent prouver que leur modèle d’entreprise est compatible avec les objectifs climatiques de l’Accord de Paris devraient pouvoir être financées.

L’économie mondiale dans son ensemble doit être rendue compatible avec la protection du climat. Tant que les prêteurs, les investisseurs et les épargnants fourniront de l’argent à une économie qui utilise les combustibles fossiles pour la production et le transport de ses marchandises, ceux-ci continueront d’être produits et financés. C’est pourquoi les actifs de nos fonds de pension, les actifs de notre Banque nationale ou les actifs des grands investisseurs doivent être injectés dans des activités économiques qui peuvent se passer de combustibles fossiles.  Ces flux financiers peuvent par exemple soutenir une production alimentaire écologique qui permet de préserver le climat et les puits carbone naturels. Ils peuvent permettre de promouvoir des projets de construction qui favorisent des matériaux durables au lieu du “tout béton” ou des solutions de mobilité réduisant l’énergie et les matériaux pour le transport des personnes et des marchandises. Cela nécessite des objectifs climatiques contraignants, en particulier pour les fonds publics et gérés par les instances fédérales. Des incitations et des normes efficaces sont nécessaires pour l’argent privé.

Vous avez dit greenwashing ?

Les gestionnaires d’actifs et les grands gestionnaires de BlackRock, Swiss Life, UBS ou Credit Suisse inventent constamment de nouveaux produits d’investissement dits « durables » et les proposent à leurs clients. Ce marché est vraiment en plein essor, car le public est de plus en plus conscient de l’impact de son argent. Mais dans quelle mesure ces produits « durables » contribuent-ils réellement à la lutte contre la crise climatique ? C’est là que nous, la société civile et le monde politique, devons regarder de près et veiller à ce que l’impact sur le climat soit divulgué et que le Greenwashing soit impossible.

Dans notre recommandation «Stratégie pour une place financière climatiquement neutre» , nous montrons en détail quelles mesures peuvent être utilisées pour orienter le flux des ressources financières de façon à ce qu’elles soutiennent une économie respectueuse du climat.

Et maintenant, que faire ?

Diverses propositions intéressantes sont en attente ou ont même déjà été soumises au Parlement. Ainsi, le Conseil fédéral a accepté un postulat de la Commissions de l’environnement de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEATE) pour montrer comment la Suisse peut orienter ses flux financiers de manière à préserver le climat. Nous attendons avec impatience les propositions du gouvernement. Le Conseil fédéral souhaite également montrer comment la Banque nationale suisse peut soutenir la Confédération dans la réalisation de ses objectifs de durabilité et quel rôle proactif elle peut jouer dans la coordination des mesures climatiques dans le secteur financier. Nous espérons que le Conseil national renverra le postulat aux Commissions de l’économie et des redevances (CER).

Ces exemples montrent que nos préoccupations pour une place financière suisse respectueuse du climat ont été prise en compte  par les politiques et les autorités. Mais quelles solutions l’administration soumettra-t-elle en fin de compte au Parlement et comment en discutera-t-elle ensuite avec le Parlement suisse ?