La viande suisse est loin d’être entièrement suisse. Notre agriculture est fortement dépendante des importations d’aliments pour animaux : plus de la moitié des aliments concentrés sont achetés à l’étranger. Le rapport, « L’arnaque du fourrage” que  Greenpeace Suisse vient de publier, met en lumière le conte de fées que  l’industrie de la viande cherche à nous faire avaler. Une réforme s’impose !

Plus d’un quart de la pollution environnementale dans notre pays est liée à l’alimentation. La production et la consommation de produits animaux sont les principaux responsables, car la production d’aliments d’origine animale est à l’origine de quantités massives de gaz à effet de serre et de destruction de biodiversité. 

La Suisse abrite un grand nombre d’animaux. Ces dernières années, le nombre d’animaux a toujours avoisiné les 15 millions. Le chiffre est beaucoup, beaucoup plus élevé si l’on considère le nombre d’animaux qui ont vécu dans notre pays pendant un an : 74 millions. Les chiffres des abattages sont également élevés, avec un total de plus de 70 millions par an. Les animaux sont élevés, gardés et abattus pour satisfaire notre faim de viande, de produits laitiers et d’œufs. 

La quantité de nourriture dont ces animaux ont besoin est immense. Malheureusement, notre consommation de viande, d’œufs et de lait n’est pas du tout adaptée aux  ressources naturelles de notre pays. La Suisse n’a tout simplement pas assez de terres arables pour nourrir les animaux. C’est pourquoi notre agriculture est totalement dépendante des importations d’aliments pour animaux. Depuis 1995, les importations ont fortement augmenté et se sont stabilisées à un niveau élevé. En 2019, la Suisse a importé 1,4 million de tonnes d’aliments pour animaux, dont environ 80 % sont des fourrages concentrés à haute teneur énergétique et protéique. Plus de la moitié des fourrages concentrés sont achetés à l’étranger. La viande suisse n’est donc pas aussi suisse qu’on pourrait le croire. 

Alors que les ruminants comme les bovins se nourrissent principalement de ce qu’on appelle le fourrage grossier (herbes, aromates, trèfle, etc.), les porcs et les volailles, mais aussi les espèces  à haut rendement  dans la production laitière et l’engraissement des bovins, sont tributaires d’une alimentation concentrée. Cette dernière nécessite une grande surface de terres arables. 

Les porcs ne peuvent pas digérer le fourrage grossier et mangent donc beaucoup d’aliments concentrés provenant de l’étranger.

Environ la moitié des terres utilisées pour la production d’aliments pour animaux vivant en Suisse sont situées à l’étranger (environ 200 000 hectares). Le soja, le blé fourrager, etc. poussent sur ces terres arables. Les importations ont un double impact sur le climat.  D’une part, la culture du fourrage elle-même provoque des émissions de gaz à effet de serre dans le pays de production. D’autre part, elle permet de garder plus d’animaux en Suisse, ce qui signifie que l’impact environnemental est également plus élevé ici.

En Suisse, de nombreuses terres arables sont utilisées pour l’alimentation animale. Si l’on déduit les prairies artificielles et autres terres arables ouvertes, il reste environ 266 000 hectares de terre fertile disponible en Suisse. Près de la moitié de ces terres précieuses, soit 43 %, sont utilisées pour la culture d’aliments pour animaux tels que les céréales fourragères, l’ensilage et le maïs vert, ainsi que les pois, le soja et les fèves de grande culture, riches en protéines. Il apparaît ainsi clairement  que  la production d’aliments pour animaux nécessite beaucoup plus de terre et d’énergie que la production de céréales ou de légumes pour les humains. 

Le soja du Brésil pour nourrir nos animaux

Le soja illustre encore mieux le problème : 70 % des protéines des aliments concentrés utilisés par les éleveurs suisses sont importées. Il s’agit pour l’essentiel de soja en provenance du Brésil. C’est l’un des rares pays d’Amérique qui produit du soja sans OGM, même si ce n’est que dans une faible mesure (4 %).Même si  les États-Unis restent le principal pays producteur, la production de soja est en plein essor au Brésil et en Argentine. La production de soja y a triplé au cours des deux dernières décennies. Environ trois quarts de la récolte mondiale de soja sont destinés à l’alimentation des animaux. Au Brésil, plus de 90 % des produits sont exportés sous forme d’aliments pour animaux, les principaux importateurs étant les pays européens et la Chine.

L’augmentation des surfaces cultivées au Brésil se fait au détriment des écosystèmes fragiles qui sont essentiels pour la biodiversité, les populations et le climat. Le soja importé en Suisse pour l’alimentation animale provient principalement du Mato Grosso, qui est à cheval sur les biomes uniques de l’Amazonie et du Cerrado, soit respectivement  le poumons de la planète et le château d’eau du Brésil. En d’autres termes, si nous encourageons l’augmentation du nombre d’animaux en Suisse par notre consommation de produits animaux, nous sommes aussi en partie responsables de l’augmentation constante des importations d’aliments pour animaux et de la catastrophe que cela entraîne pour notre climat et la biodiversité!

Une fable mensongère à nos dépends

L’Office fédéral de l’agriculture s’occupe de la promotion des ventes de diverses denrées alimentaires suisses. La promotion des produits animaux est de loin la plus importante, le fromage arrivant en tête avec plus de 24 millions de francs suisses. La commercialisation de la viande et des œufs coûte également à la Confédération six millions de francs suisses par an. Au lieu d’œuvrer à la réduction de la consommation de viande, d’œufs et de produits laitiers en Suisse, on continue d’encourager massivement la consommation de ces produits. En tant que contribuables, nous soutenons indirectement cette démarche et devenons ainsi complices.

Cela vous scandalise également ? Signez dès maintenant notre pétition:

Oui, on peut faire autrement

L’agriculture biologique sans importations de fourrages n’est pas une chimère. Les calculs le montrent bien:  dans notre pays, 94 % des ovins et des caprins et 85 % des vaches et des bovins pourraient encore être élevés. Toutefois, la situation serait très différente pour les autres animaux de rente. La population porcine tomberait à 39 % et celle de la volaille à 17 %. En effet, ces élevages sont fortement dépendants des fourrages concentrés étrangers. 

En s’appuyant exclusivement sur la production nationale d’aliments pour animaux, la Suisse peut continuer à produire 349 kilogrammes de lait et de produits laitiers et 21 kilogrammes de viande par personne et par an. 

Toutefois, cela ne nous permettrait pas d’atteindre nos objectifs climatiques. C’est pourquoi nous misons sur une agriculture écologique et respectueuse des animaux (Vision PERA de Greenpeace). Ainsi, nous, les Suisses, pourrions encore consommer environ 10 kilos de viande, 48 œufs et 237 kilos de lait par habitant et par an.

Bien sûr, cela nécessite aussi un changement dans notre alimentation. Nous mangeons trop de produits d’origine animale. Nous ne nuisons pas seulement à l’environnement, mais aussi à notre santé. Il existe aujourd’hui d’innombrables outils pour faciliter le passage à une alimentation essentiellement végétale. Parcourez ces délicieuses recettes, par exemple.

Pour que les agriculteurs puissent mettre en œuvre de véritables alternatives à la production animale dans leurs exploitations (par exemple, la culture d’herbes ou d’avoine), une réforme politique globale de l’agriculture est nécessaire. Aidez à augmenter la pression sur les politiciens et rejoignez- nous pour exiger des changements. Signez notre pétition et partagez nos contenus avec vos proches.  

Voici ce que signifie une Production écologique et respectueuse des animaux (PERA) :

  • Les champs servent directement à produire de la nourriture pour les humains. Soit des céréales, des légumes et des légumineuses. La Suisse ne cultive ni n’importe de fourrage pour les animaux.
  • Le nombre d’animaux détenus doit correspondre à ce qui peut être nourri avec l’herbe des prés et des pâturages, ainsi qu’avec les restes de la production alimentaire. Cela signifie qu’il y a encore des vaches dans les régions montagneuses et les Alpes, mais peu dans le Moyen-Pays et beaucoup moins de porcs et de volailles.
  • Les animaux sont détenus de façon respectueuse. Tous les animaux de rente ont accès à un pâturage. Au lieu de races hybridées pour des performances maximales, la détention mise sur de robustes animaux à double fin, et les veaux peuvent grandir en association familiale avec leurs mères.
  • Cultures adaptées à la station au lieu de cultures intensives. Les cultures trop intensives pratiquées en Suisse sont réduites à un niveau durable à long terme et les cultures sont diversifiées. Les engrais artificiels et les pesticides chimiques ne sont plus utilisés.
  • Il y a plus de place pour la nature. Nous renonçons à utiliser le dernier mètre carré de terres agricoles et rendons 400’000 hectares à la nature.