Après l’échec des initiatives agricoles lors des votations du 13 juin, nous sommes entré dans un été marqué par les épisodes météorologiques extrêmes : pluies et inondation en suisse et dans certains pays européen, violentes canicules et incendies de végétation dans de nombreux autres pays. Si elles avaient été acceptées, les initiatives agricoles auraient permis de faire évoluer le secteur agroalimentaire en une décennie et le rendre plus résilient face aux changements à venir. 

Cette transformation s’impose de toute urgence ! Face à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité  (qui n’épargnent pas la Suisse !), il est nécessaire de remettre en question et d’adapter nos habitudes de consommation, ainsi que nos modes de production et que nous prenions sérieusement en compte les questions de justice sociale qui y sont liées pour les producteurs-rices et les consommateurs-rices.

Comment en est-on arrivé là ? 

Le principal moteur de ce système, nuisible au climat et à l’environnement, est une politique agricole et alimentaire malavisée. D’une part, les agriculteurs sont contraints d’adopter des méthodes de production le plus souvent en finançant eux-mêmes l’adaptation de leurs exploitations agricoles. D’autre part, la publicité mensongère pour les produits animaux, par exemple, donne aux consommateurs le sentiment que manger de la volaille est parfaitement acceptable, surtout si la viande provient de Suisse. Il serait plus logique de communiquer sur le fait que nous traversons une crise climatique et que la sixième extinction des espèces bat son plein. Il est donc urgent de réduire la consommation de produits animaux qui ne sont pas durables et de généraliser une alimentation végétale et une production durable et saine pour les humains et le sol. 

Il appartient à la Confédération de coordonner une politique agricole socialement juste, une stratégie climatique cohérente et la protection de la biodiversité tout en protégeant l’environnement et le climat, et non de mener des réformes sur le dos des producteurs. Un changement systémique dans l’agriculture et l’alimentation humaine est inévitable. La grande question est de savoir si nous serons capable de réaliser nous-mêmes ce changement de façon coordonnée ou si nous serons contraints de réaliser ces changements dans l’urgence en réaction à l’impact de la crise climatique et de l’extinction des espèces. 

Avec l’état actuel des sols en Suisse et la qualité et la quantité d’eau disponible, nous aurons des problèmes de résilience face aux changements environnementaux dans les 10 à 20 prochaines années. Il est important de profiter de ce délai, où les modes de production intensive fonctionnent encore, en développant une agriculture durable et intégrée. Nous savons que si nous ne sommes soudainement plus en mesure d’atténuer la pénurie alimentaire en achetant des denrées à l’étranger (comme c’est le cas cette année suite aux intempéries), cela signifiera que l’humanité est touchée par une pénurie globale, qui touchera alors aussi la Suisse. Nous pourrons peut-être alors faire pousser des aliments en laboratoire, mais le voulons-nous ?  Personnellement, ce n’est pas ce que je veux. 


Nous pouvons tous changer nos habitudes alimentaires de manière à nourrir durablement un plus grand nombre de personnes en exploitant la même surface de terres agricoles. Pour cela il faut réduire les quantités de viande et de produits animaux dans notre alimentation. Cela permet d’utiliser davantage de terres arables pour la production d’aliments destinés directement à la consommation humaine. En outre, il est nécessaire de permettre aux acteurs de l’agriculture de se transformer dans le sens d’une agriculture durable. Le secteur du commerce de détail et de la restauration ainsi que les particuliers doivent également réduire fortement le gaspillage alimentaire et apprendre à se contenter de fruits et légumes non calibrés. Les responsables politiques sont appelés à contribuer activement à mettre la population sur la bonne voie.


Voulez-vous manger de manière respectueuse du climat ? Le poster « All you can eat » illustre le score CO2 de 500 aliments et se laisse facilement aimanter sur votre réfrigérateur. 


Malheureusement, après la votation du 13 juin, nous sommes confrontés à un blocage politique presque total en ce qui concerne le système alimentaire et l’agriculture. Certaines initiatives politiques sont discutées au Parlement, mais même là, les objectifs sont minimes et ne permettront pas de réaliser la transformation nécessaire. Les prochaines initiatives importantes se profilent déjà à l’horizon, mais on peut supposer que l’Union suisse des paysans (USP) se prépare déjà financièrement à une campagne de grande envergure afin de faire douter, voire d’effrayer les citoyens-ennes helvétiques. 

L’USP est un cheval de Troie. Il se présente comme le représentant la communauté agricole dans son ensemble, mais politiquement, il défend des positions qui ne correspondent de loin pas aux intérêts de tous les agriculteurs-rices. C’est là que réside le danger: l’USP se positionne, comme LA voix de l’agriculture, à l’image de ce qu’il a fait dans le cadre des votations de juin. C’est surtout vrai dans les zones rurales où les voix dissonantes osent à peine s’exprimer. Cette stratégie de rouleau compresseur affaiblit ceux qui veulent faire évoluer l’agriculture au regard des défis globaux auxquels nous sommes confrontés. Elle aide ceux favorables au maintien du statu quo dans l’agriculture et ceux qui en profitent, notamment les acteurs industriels :  les fabricants de pesticides comme Syngenta ou les géants de l’agrobusiness comme FENACO. 

Dans un secteur comme l’agriculture, nous devons envisager les choses de manière plus différenciée, que ce soit en raison de la spécialisation des exploitations ou des différences régionales qui rendent certaines formes d’agriculture plus faciles ou plus difficiles. 

La tâche est complexe et tous les acteurs impliqués dans la chaîne de valeur doivent travailler main dans la main pour faciliter la transformation. Des décideurs politiques aux producteurs, en passant par la grande distribution et les consommateurs. Il y a quelque chose à faire pour tout le monde si nous voulons rendre ce système durable. Les agriculteurs ne peuvent pas le faire seuls, et, d’ailleurs, ils n’ont pas à le faire seuls.


Pétition « Pas d’argent public pour un conte de fées ».

Saviez-vous que l’agriculture suisse a un impact considérable sur le réchauffement climatique ? Dans ce pays, l’agriculture est responsable de 13,5 % du total des émissions de gaz à effet de serre. La majorité d’entre elles proviennent de l’élevage. 

Au lieu d’œuvrer à la réduction de la consommation de viande, d’œufs et de produits laitiers en Suisse, on en fait la promotion. Chaque année, des millions de francs de l’argent des contribuables sont injectés dans le marketing de l’industrie de la viande et du lait. Cela doit cesser.