Ce texte a été rédigé par Julia Fischer, co-directrice de campagne de l’Initiative contre l’élevage intensif. Il fait partie d’une série d’articles sur l’agriculture publiés par le média zurichois Tsüri.ch en collaboration avec Greenpeace Suisse.

27 000 poulets dans une seule ferme. Une surface d’une page A4 pour chaque animal. Après 35 jours, les animaux sont abattus sans avoir jamais vu le ciel. On prétend souvent qu’il n’y a pas d’élevage industriel en Suisse. La réalité est différente. Nous avons besoin d’un changement, vers une agriculture respectueuse du climat. Il faut cesser de générer des profits au détriment des animaux, des humains et de l’environnement.

L’échec des deux initiatives agricoles mi-juin 2021 illustre à nouveau à quel point la politique agricole suisse est bloquée. Des décisions urgentes sont mises en veilleuse, alors que dans le même temps, de plus en plus d’espaces naturels sont dégradés par la construction de halles d’engraissement et des étables, les sols sont compactés et les habitats détruits. En tant qu’organisation de soutien, Greenpeace fait campagne pour l’initiative contre l’élevage intensif lancée par Sentience Politics. Mais que signifie réellement l’expression « élevage intensif » ?

Une page A4 d’espace à vivre

Un coup d’œil derrière les portes des poulaillers de la production de poulets de chair montre clairement que la réalité de l’élevage industriel n’a rien à voir, ou presque, avec la Suisse idyllique des publicitaires. En 2020, près de 80 millions de poulets ont été abattus en Suisse. Plus de 40 % sont détenus dans des fermes comptant plus de 12 000 individus. La taille maximale des exploitations est de 27 000 animaux. L’espace dans le hall auquel chaque animal a légalement droit équivaut à la surface d’une page A4.

En 35 jours, les poulets sont engraissés, passant de poussins de 60 grammes à des animaux pesant plus de deux kilogrammes. Seule l’utilisation de races spéciales permet une croissance aussi rapide – avec de graves conséquences pour la santé des poulets. Au cours de leur dernière semaine de vie, les animaux sont si gras qu’ils peuvent à peine se tenir sur leurs pattes. Leur cœur ne peut plus fournir correctement le sang à leur corps surdimensionné. Ils souffrent de lésions aux jambes et de problèmes cardiovasculaires. Voler, courir, sauter sont impossibles. Deux à quatre pour cent des animaux meurent dans les halles d’engraissement.


Voulez-vous manger de manière respectueuse du climat ? Le poster « All you can eat » illustre le score CO2 de 500 aliments et se laisse facilement aimanter sur votre réfrigérateur.


Dix cochons se partagent une place de parking

Dans l’élevage porcin également, les races utilisées aujourd’hui sont optimisées pour une prise de poids maximale : Un porc d’engraissement gagne jusqu’à un kilo par jour. Ce faisant, il doit partager un espace équivalent à une place de parking moyenne avec neuf autres cochons. Environ 40 % de tous les porcs de Suisse sont engraissés dans de telles conditions d’exiguïté, dans des halles d’engraissement comptant jusqu’à 2 000 animaux.

De nombreux animaux suisses ne voient pas une seule fois le ciel lors de leur existence. La loi n’impose ni le pâturage en plein air ni aucune forme d’exercice à l’extérieur pour les porcs ou les volailles, par exemple. Se nourrir d’herbe dans une prairie verte ? Aucune chance.

Une majorité des animaux de ferme suisses sont principalement nourris de soja, de blé et de maïs.  Autant d’aliments qui pourraient également nous nourrir, nous les humains. Aujourd’hui, près de la moitié des terres arables de la Suisse sont utilisées pour la production de fourrages. Mais cela ne suffit pas. Ces dernières années, les éleveurs ont imoporté en moyenne 1,4 million de tonnes supplémentaires d’aliments pour animaux. L’importante demande d’aliments pour animaux est un facteur décisif expliquant le déséquilibre écologique et l’impact climatique de l’élevage.

Changer le système! 

La souffrance des animaux est acceptée à dans le système actuel marqué par la recherche constante de maximisation des profits. L’initiative contre l’élevage intensif veut changer cela. Elle exige des conditions d’hébergement et de soins respectueuses des animaux. Chaque animal doit disposer de suffisamment d’espace pour se mouvoir librement et vivre des contacts sociaux. Dans le même temps, la taille des groupes par box doit être fortement réduite et tous les animaux doivent avoir un accès quotidien à l’extérieur. Enfin, l’initiative demande une réglementation des importations de produits animaux qui tienne compte de ces nouvelles normes suisses. Les agriculteurs suisses ne doivent pas être lésés par l’importation d’aliments issus d’une production intensive à l’étranger.

Il s’agit d’une voie vers une politique agricole respectueuse des ressources et des animaux, non seulement pour les volailles et les porcs, mais aussi pour les vaches laitières, les poules pondeuses, les bovins et les autres animaux élevés de façon intensive en Suisse. Avec cette initiative, nous ne demandons rien de moins qu’un changement fondamental de système, pour une agriculture durable au bénéfice des animaux, des humains et de la nature.