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En 1985, des agents des services secrets français ont été envoyés pour poser deux bombes sur notre navire amiral, le Rainbow Warrior, avant son voyage pour mener une manifestation antinucléaire pacifique. Sur cette page, vous pouvez en savoir plus sur cette affaire, comment elle s’est déroulée, rencontrer certains membres de l’équipage, consulter des documents précédemment classifiés et bien plus encore.
Un soir de fête
Le soir du 10 juillet, l’équipage et les invités du Rainbow Warrior fêtaient l’anniversaire de Steve Sawyer dans une atmosphère très animée. Margaret Mills, un autre membre de l’équipage, avait préparé un gâteau d’anniversaire décoré d’un arc-en-ciel en bonbons. Les convives s’amusaient, buvaient et mangeaient du gâteau.

Ils étaient loin de se douter que l’un des invités était un espion français, qui observait tout ce qui se passait pour en faire part à ses collègues. L’espion partit juste après 20 heures et, vers 20 h 15, les capitaines de tous les voiliers de protestation se rendant à Moruroa descendirent dans la cale du Rainbow Warrior pour une réunion de préparation.
À l’extérieur, des nageurs de combat français installaient deux bombes sur la coque du navire, sous la ligne de flottaison. Les nageurs avaient traversé le port à bord d’un zodiac gonflable depuis une rampe de lancement isolée à Stanley Point, Devonport.
Après avoir posé les bombes, le duo s’échappa en nageant vers l’ouest, en direction de l’Auckland Harbour Bridge, où ils furent recueillis. Le pilote du zodiac se dirigea vers Mechanics Bay où il fut recueilli par un camping-car.
Vers minuit, après le départ de leurs invités, le capitaine du Rainbow Warrior, Peter Willcox, et une partie de l’équipage allèrent se coucher. Les autres restèrent assis autour de la table du réfectoire, discutant et dégustant les dernières bouteilles de bière.
Les agents français, à bord d’un zodiac, traversèrent Stanley Point (rouge) jusqu’au Marsden Wharf (violet) où se trouvait le Rainbow Warrior. Les deux nageurs s’enfuirent à la nage vers Auckland Harbour Bridge tandis que le pilote du zodiac se dirigeait vers Mechanics Bay (bleu) pour être recueilli par un camping-car.
L’attaque des saboteurs
Soudain, un gros bruit sourd secoua le navire. Les lumières s’éteignirent. On entendit un bruit sec de verre brisé. Puis le rugissement soudain de l’eau. L’équipage pensa d’abord pensé qu’il avait été heurté par un remorqueur.
Martini Gotje descendit pour vérifier que Hanne Sorensen n’était pas dans sa cabine. Fernando Pereira se rendit dans sa cabine pour récupérer son matériel photo.
Puis, il y eut une deuxième explosion.
Peter Willcox ordonna à tout le monde d’abandonner le navire. En quelques minutes, le navire coula.
Plus tard, Willcox se rappela : « Je suis resté là à regarder le bateau avec toutes ces bulles qui s’échappaient. C’est à ce moment que Davey dit ‘Fernando est là-dedans’. Je me souviens avoir discuté avec lui, disant que non, Fernando est parti en ville, c’est ce qu’il faisait toujours. ‘Non’, il a dit. Fernando est là-dedans’. »
Le photographe de Greenpeace Fernando Pereira a péri noyé. Il venait de fêter son 35e anniversaire. Ses jeunes enfants allaient bientôt voir leur vie brisée par la nouvelle.
La première bombe a ouvert un énorme trou de deux mètres sur trois dans la salle des machines. La deuxième bombe a gravement endommagé l’arbre de transmission. Il y aurait peut-être eu plus de morts si tout le monde était allé se coucher, car des débris métalliques de la première explosion ont pénétré dans de nombreuses cabines vides. L’équipage du Rainbow Warrior, stupéfait, passa le reste de la nuit dans ou sur les marches du poste de police du quai, en face du Marsden Wharf. Leur projet de mener avec le Rainbow Warrior la flottille de protestation antinucléaire vers l’atoll de Moruroa avait sombré avec le navire.
Le contexte de la catastrophe
Au moment de l’explosion, le Rainbow Warrior était sur le point de conduire un groupe de navires anti-essais nucléaires dans le Pacifique. Pour comprendre pourquoi le navire a été attaqué par le gouvernement français, il est important de connaître le contexte politique de l’époque et l’importance de la campagne de Greenpeace contre les essais dans le Pacifique.
Le Rainbow Warrior était sur le point de prendre la tête d’une flottille de navires anti-essais nucléaires vers l’atoll de Moruroa, en Polynésie française. Pour comprendre pourquoi le Rainbow Warrior a été victime de cette attaque, il faut d’abord comprendre comment les essais nucléaires dans le Pacifique sont devenus une question si controversée.
Le 6 août 1945, les États-Unis ont lancé une nouvelle arme dévastatrice sous la forme d’une bombe atomique sur la ville d’Hiroshima au Japon. Trois jours plus tard, ils ont lancé une autre bombe atomique sur la ville de Nagasaki. Les États-Unis ont utilisé ces armes nucléaires pour accélérer la fin de la guerre contre le Japon et pour éviter une coûteuse invasion terrestre des îles japonaises.
Mais le monde n’avait jamais connu d’armes de destruction massive aussi puissantes. Chaque bombe était plus puissante que 10 000 tonnes d’explosif TNT. Des quartiers entiers ont été totalement détruits et des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont péri sur le coup ou dans les jours et les semaines qui ont suivi. Ces bombes ont libéré des résidus radioactifs qui ont contaminé l’environnement. De nombreuses personnes mourront plus tard des suites d’une exposition aux radiations. Des femmes ont donné naissance à des bébés difformes. Aujourd’hui encore, les historiens se demandent si de telles armes auraient dû être utilisées contre le Japon.

Après la Seconde Guerre mondiale, des tensions se sont développées entre les États-Unis et l’URSS. C’est le début de ce que l’on appelle la guerre froide (1945-1991), au cours de laquelle les deux superpuissances et leurs alliés rivalisèrent pour répandre leurs différentes formes de gouvernement dans le monde.
Les États-Unis et l’URSS se mirent concurrence pour produire les armes nucléaires les plus puissantes afin d’assurer leur sécurité. Les gouvernements savaient désormais que s’ils lançaient des armes nucléaires sur une autre puissance nucléaire, ils seraient très probablement détruits par les armes de leur adversaire.
Les deux parties ont bien failli déclencher une guerre nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba. En raison du climat fragile de l’après-guerre, les puissances nucléaires ont veillé à ne pas créer de tensions entre elles.
Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France se sont mis en quête de régions éloignées pour développer leurs armes nucléaires. Jusque dans les années 1960, ces puissances ont procédé à des essais nucléaires atmosphériques dans le Pacifique.
Les États-Unis ont utilisé les îles Marshall. Les Britanniques ont utilisé l’île Christmas et les régions reculées de l’Australie. La France a déplacé son programme d’essais de l’Algérie à la Polynésie française en 1966. Des dispositifs nucléaires étaient suspendus par des ballons à haute altitude et explosaient pour permettre aux scientifiques de prendre des mesures.
Les tests atmosphériques avaient pour conséquence directe la contamination de l’environnement, car les retombées radioactives étaient transportées par le vent sur de grandes distances. De nombreuses personnes vivant sur des îles voisines, comme Rongelap dans les îles Marshall, ont contracté des cancers depuis. Des femmes ont fait des fausses couches et certaines ont donné naissance à des bébés difformes (connus sous le nom de « bébés méduses »).
À partir de la fin des années 1950, les habitants de nombreux pays ont commencé à s’inquiéter des effets des essais nucléaires sur la population et l’environnement. De nombreux habitants du Pacifique ont estimé que si les essais étaient sûrs, pourquoi les puissances nucléaires ne procédaient-elles pas à des essais dans leurs propre pays ?
Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont interrompu leurs essais dans le Pacifique Sud au début des années 1960. Des mouvements de protestation ont vu le jour et les gouvernements du Vanuatu, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie et d’autres pays ont demandé à la France de suspendre les essais sur l’atoll de Moruroa. Le gouvernement français a refusé de suspendre les essais et minimisé l’importance des risques.
En juin 1972, le voilier Vega de Greenpeace pénétra dans la zone interdite à l’extérieur de l’atoll de Moruroa pour interrompre par sa présence l’essai nucléaire prévu. Il s’agissait d’une action de protestation extrêmement dangereuse, car l’équipage risquait d’être exposé aux retombées nucléaires de l’explosion. David McTaggart (le capitaine), Nigel Graham et Grant Davidson firent des blocs pour sceller les conduits d’aération, afin d’empêcher les retombées radioactives de pénétrer dans la cabine. Il était convenu que s’ils survivaient à l’explosion nucléaire et à l’onde de choc, un membre de l’équipage allait se placer sur le pont pour faire démarrer le moteur et les faire sortir de la zone de danger, s’exposant alors aux radiations. Après avoir été sommé de partir, McTaggart refusa de suivre un navire de la marine française pour quitter la zone. Il s’ensuivit une poursuite au cours de laquelle le Vega fut éperonné et McTaggart et son équipage placés en détention. Bien que l’essai ait eu lieu, l’action de Greenpeace a permis de sensibiliser le monde entier à ce problème et de faire pression sur la France pour qu’elle suspende ses essais.

Les gouvernements néo-zélandais et australien ont traduit la France devant la Cour internationale de justice en 1973 pour lui demander de suspendre les essais. La France a toutefois refusé de se conformer à la décision de la Cour lui imposant de suspendre les essais. Norman Kirk, le premier ministre néo-zélandais, déploya deux frégates de la marine néo-zélandaise pour protester aux abords de la zone d’essai de Moruroa.
Une flotte de voiliers civils protestaient également, dont le voilier Vega de Greenpeace, commandé à nouveau par David McTaggart. Frustrés par les actions de protestation non violentes persistantes de McTaggart, les militaires français montèrent à bord du Vega, où ils tabassèrent sévèrement McTaggart et un membre de son équipage. Il fut hospitalisé et perdit la vue d’un de ses yeux pendant plusieurs mois. Le gouvernement français tenta de faire croire que ses blessures étaient dues à une chute, mais un membre de l’équipage du Vega fit passer clandestinement des photos du passage à tabac. Cela provoqua l’indignation des médias internationaux et le gouvernement français se retrouva humilié.
Greenpeace était considéré comme un groupe de fauteurs de troubles par certains membres du gouvernement et de l’armée française. La marine française avait beaucoup de mal à traiter avec des manifestants non violents qui ne voulaient pas coopérer. Les protestations menèrent les Français à abandonner les essais atmosphériques pour privilégier les essais souterrains en 1974. Cependant, les protestations à Moruroa se poursuivirent dans l’espoir que les essais souterrains soient également suspendus.
En 1985, Greenpeace a envoyé son navire Rainbow Warrior effectuer un voyage de paix dans le Pacifique. Le navire a aidé à évacuer la population de l’atoll de Rongelap, dans les îles Marshall. En 1954, les États-Unis ont procédé à l’essai d’une arme nucléaire sur l’atoll de Bikini, qui était mille fois plus puissante que la bombe larguée sur Hiroshima. Les habitants de Rongelap, à 150 kilomètres de là, n’ont pas été avertis de l’essai et ont souffert de la contamination radioactive pendant des décennies. Ils ont fini par demander à Greenpeace de les aider à se déplacer vers un nouvel atoll non contaminé. Une fois les Rongelapais relogés, le navire a ensuite mis le cap sur Vanuatu, puis la Nouvelle-Zélande. Depuis Auckland, le Rainbow Warrior devait prendre la tête d’une flotte de navires en direction de l’atoll de Moruroa, en Polynésie française, pour protester contre les prochains essais nucléaires français.
Pourquoi les Français ont-ils attaqué le Rainbow Warrior ?
Le gouvernement français considérait son programme d’essais nucléaires comme une mesure importante pour la sécurité de la France ( bien qu’un monde équipé d’armes nucléaires ne soit guère un monde sûr). Mais une publicité négative sur les essais ferait pression sur le gouvernement français pour qu’il arrête son programme. C’est pour cette raison que le gouvernement français a voulu empêcher la manifestation antinucléaire du Rainbow Warrior.
Le Rainbow Warrior était un grand navire qui pouvait servir de navire amiral pour les petits voiliers de protestation. Les navires de la marine française ne seraient pas en mesure de l’intimider aussi facilement que les autres voiliers, plus fragiles. Le Rainbow Warrior pouvait transporter de grandes quantités de provisions, ce qui signifiait qu’il pouvait protester pendant une longue période. L’équipement de communication à bord permettait à l’équipage de maintenir un contact radio avec le monde extérieur et d’envoyer des rapports et des photos en temps réel aux agences de presse internationales.
La marine française aurait beaucoup de mal à faire face aux tactiques non violentes des navires de protestation. Pour éviter cela, les services secrets français, la DGSE, reçurent l’ordre de lancer l’opération « Satanique », au cours de laquelle des agents des services secrets français furent envoyés en Nouvelle-Zélande pour couler le Rainbow Warrior avant qu’il ne puisse mener la flotte de protestation.
Les conséquences de la catastrophe
Le 11 juillet 1985, la nouvelle d’explosions violentes sur le front de mer d’Auckland se répandit. Le Rainbow Warrior, navire amiral de Greenpeace, avait été coulé tandis qu’il était amarré au Marsden Wharf. Un membre d’équipage, Fernando Pereira, avait été tué. Les plongeurs de la marine qui ont récupéré son corps à 4 heures du matin découvrirent que l’explosion provenait de l’extérieur de la coque du navire et une enquête pour meurtre fut ouverte par la police néo-zélandaise.
Enquête de police
La police fut chanceuse. Le soir du 10 juillet, deux membres de l’Auckland Outboard Boating Club surveillaient les équipements nautiques pour empêcher un vol. Vers 21h30, ils virent un homme en combinaison de plongée qui tirait un zodiac vers le rivage après être passé sous le pont Ngatipi sur Tamaki Drive. Un couple dans un camping-car Newmans Toyota vint récupérer l’homme. L’un des hommes nota le numéro d’immatriculation du camping-car et le donna à la police.

Après l’attentat, la police put suivre cette piste, et lorsque le couple alla rendre le van au dépôt de Newmans à Mt Wellington deux jours plus tard, le personnel les retarda suffisamment longtemps pour que la police arrive. Le couple voyageait avec de faux passeports suisses et fut finalement démasqué comme étant les agents français Alain Mafart et Dominique Prieur.
L’implication française
Le gouvernement français nia d’abord toute implication dans l’attentat. Alain Mafart et Dominique Prieur continuèrent à prétendre qu’ils étaient un couple suisse en voyage de noces. Au cours des semaines qui suivirent, leur histoire fut réfutée lorsque leurs passeports s’avérèrent être des faux. La police découvrit peu à peu des preuves révélant une opération très organisée impliquant plus de dix agents français. Pendant deux mois, le gouvernement français continua de nier toute implication.
Sous la pression, le gouvernement français lança une enquête pour savoir si des agents français étaient responsables de l’attentat. Cette enquête Tricot finirait par affirmer que les agents présents en Nouvelle-Zélande ne faisaient qu’espionner Greenpeace et n’avaient pas coulé le navire. Le scandale s’intensifia lorsque les médias français publièrent de nouvelles allégations sur l’implication de la France. Le ministre français de la défense, Charles Hernu, fut contraint de démissionner et le chef des services secrets français (la DGSE), Pierre Lacoste, fut démis de ses fonctions. Le 22 septembre 1985, le Premier ministre français, Laurent Fabius, fit un discours télévisé dans lequel il révéla que des agents français avaient fait exploser le Rainbow Warrior et qu’ils avaient agi sur ordre.
L’opinion publique néo-zélandaise fut scandalisée que la France ait pu mener une telle attaque sur le territoire néo-zélandais. Des milliers d’hommes néo-zélandais étaient morts en se battant pour défendre la France pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale et beaucoup furent furieux que l’on traite ainsi un ancien allié. De nombreux Néo-zélandais étaient déjà en colère contre la France qui continuait à tester des armes nucléaires sur l’atoll de Moruroa. Ces essais étaient considérés comme une menace pour l’environnement et les habitants du Pacifique Sud. Les gens affirmèrent que si (comme le prétendaient les Français) les essais étaient sans danger, ils devraient être effectués en France.
Greenpeace gagna énormément en sympathie suite à l’attentat, et les dons affluèrent. Le fait que les alliés traditionnels de la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, ne condamnent pas les actions de la France provoqua davantage de rancœur. Le gouvernement néo-zélandais adopta alors une position plus indépendante dans les affaires internationales. En 1987, la Nouvelle-Zélande adopta la loi sur la zone dénucléarisée, le désarmement et le contrôle des armes. L’attentat permit de consolider la politique de dénucléarisation dans l’identité de la Nouvelle-Zélande.

Les deux agents français furent reconnus coupables d’homicide involontaire. Le juge néo-zélandais les condamna chacun à dix ans de prison le 22 novembre 1985. Le gouvernement français demanda le retour de ses agents en France.
En janvier 1986, les exportations de produits agricoles néo-zélandais commencèrent à rencontrer des obstacles sur les marchés français. Le gouvernement néo-zélandais craignit que si ses exportations vers la Communauté européenne étaient bloquées, l’économie néo-zélandaise serait gravement endommagée. Cette situation conduisit les deux gouvernements à trouver un accord avec l’aide des Nations unies. L’accord, conclu en juillet 1986, déboucha sur des excuses françaises, une indemnité de compensation et un accord pour ne pas interférer avec les exportations néo-zélandaises vers l’Europe. En contrepartie, les agents devaient purger une peine de trois ans sur l’atoll de Hao, en Polynésie française. De nombreux Néo-zélandais désapprouvèrent cet accord et la nation fut outrée lorsque la France le rompit et ramena les deux agents en France au bout de deux ans.
Le naufrage du Rainbow Warrior ne mit pas fin aux protestations sur l’atoll de Moruroa. Greenpeace gagna énormément en sympathie en Nouvelle-Zélande et dans le monde entier à la suite de la catastrophe, ce qui eut l’effet inverse de celui recherché par les Français. La mort de Fernando Pereira motiva de nombreux manifestants à aller protester à Moruroa. Les dons et les offres d’aide continuèrent d’affluer. Greenpeace International put envoyer son autre grand navire, le Greenpeace, pour mener la protestation sur l’atoll de Moruroa.
Peter Wilcox et Grace O’Sullivan, du Rainbow Warrior, embarquèrent sur le voilier Vega de Greenpeace et se rendirent à Moruroa pour protester. Ils furent arrêtés et expulsés. Bunny McDiarmid rejoignit Greenpeace et Lloyd Anderson rejoignit l’équipage du voilier Varangian.
Grâce à l’attention internationale suscitée par l’attentat, les gouvernements et les populations du monde entier prirent davantage conscience de la question des essais nucléaires. L’attentat du Rainbow Warrior et l’indignation internationale qui en résulta jouèrent en effet un rôle dans la décision de la France de mettre fin aux essais nucléaires sur l’atoll de Moruroa en 1996.
Règlement du litige
Le 2 octobre 1987, un tribunal d’arbitrage international siégeant à Genève, en Suisse, ordonna à la France de verser à Greenpeace 8,1 millions de dollars américains de dommages et intérêts pour avoir délibérément coulé le Rainbow Warrior. La France accepta cette décision d’arbitrage après que Greenpeace ait menacé de poursuivre la France en justice en Nouvelle-Zélande. Ce règlement fut une victoire très importante pour Greenpeace, car il reconnut les droits de l’organisation en vertu du droit international. Selon son avocat, Gary Born, l’arbitrage montra que « le droit ne protège pas seulement les petits États, mais aussi les personnes physiques et morales comme Greenpeace ».
Greenpeace disposait alors des fonds nécessaires pour remplacer le Rainbow Warrior par le navire Rainbow Warrior 2, qui poursuivrait sa campagne de protection de l’environnement et de sensibilisation aux problèmes environnementaux majeurs dans le monde.

Le Rainbow Warrior fut remorqué vers le nord et sabordé à Matauri Bay. Une sculpture commémorative trône au-dessus de l’eau. Les plongeurs amateurs peuvent désormais admirer la vie marine autour du navire, qui a servi à protéger les créatures qui l’entourent aujourd’hui.
En souvenir de Fernando Pereira 1950 – 1985
Il a rejoint l’équipage du Rainbow Warrior pour faire connaître au monde entier ses photos des essais nucléaires français. Lorsque les agents des services secrets ont saboté le navire, ils ont tué Fernando Pereira, un homme qui a consacré sa vie à la paix. Un photographe déterminé, un père de famille, un Rainbow Warrior : nous ne l’oublierons jamais.
Les saboteurs ont frappé juste avant minuit le 10 juillet 1985 et deux explosions distinctes ont détruit la coque du Rainbow Warrior. La deuxième explosion a provoqué la perte de conscience de Fernando Pereira sous le pont, et il s’est noyé alors que le Warrior coulait rapidement.
Fernando est né dans la ville de Chaves au Portugal. Jeune homme, il a fui le Portugal pour rejoindre l’Espagne voisine afin d’éviter d’être contraint de s’engager dans l’armée et de combattre pendant la guerre du dictateur Salazar en Angola. L’Espagne n’étant pas un havre de paix pour les réfugiés politiques à l’époque, il a parcouru des centaines de kilomètres à pied et en auto-stop jusqu’à atteindre les Pays-Bas, où il a décidé de s’installer. Il a rencontré et épousé une Néerlandaise, a fondé une famille et s’est adonné à sa passion pour la photographie.
En 1985, Fernando était photographe indépendant pour Greenpeace et il s’était engagé dans le voyage de six mois du Rainbow Warrior dans le Pacifique. Il faisait partie de l’équipe chargée d’évacuer les habitants de l’atoll de Rongelap, gravement contaminé par les radiations à la suite des essais nucléaires effectués par les États-Unis dans la région. Ses images de l’évacuation sont profondément émouvantes et ont témoigné de son professionnalisme en tant que photographe.

Évacuation des habitants de l’île de Rongelap vers Mejato par l’équipage du Rainbow Warrior dans le Pacifique en 1985. (Livre Greenpeace Witness, page 99) De nombreux adultes et enfants ont souffert en raison des retombées nucléaires des essais nucléaires américains. L’équipage de Greenpeace a embarqué des adultes, des enfants et 100 tonnes de biens personnels.
Fernando était un membre d’équipage populaire qui avait le goût de la vie et une conviction profonde pour les causes auxquelles il croyait. S’il n’avait pas été tué, il aurait photographié les manifestations de l’atoll de Moruroa.
Trois mois plus tôt, il avait fait ses adieux à ses deux enfants aux Pays-Bas. Sa fille Marelle se souvient qu’il lui avait dit : « Occupe-toi de ta maman, je vais faire mon voyage et je serai bientôt à la maison ». Elle avait huit ans. Après son départ, elle était allée se promener dans la forêt avec son frère Paul, qui « saluait chaque avion parce que c’était peut-être celui dans lequel mon père se trouvait ».

Leur jeune vie innocente fut brisée par la nouvelle qui arriva de Nouvelle-Zélande quelques mois plus tard.
« Pendant l’été, nous sommes allés en colonie, nous étions en train de jouer avec un ballon avec mes amis, puis une de nos enseignantes est venue me demander si je pouvais la rejoindre car elle avait quelque chose à me dire. Ma mère était là et j’ai trouvé cela plutôt étrange. Je ne savais pas quoi en penser, alors je me suis dirigée avec elle vers l’endroit où ma mère était assise avec un de mes oncles, mais là-bas, j’ai eu un sentiment étrange, je ne sais pas comment l’expliquer, mais je savais que quelque chose n’allait pas avec mon père. C’était évident, sinon ma mère serait venue me parler. Le temps que j’arrive à ma mère, elle était en larmes. »
« Au moment où elle a dit qu’il avait disparu, tout était clair et j’ai pleuré avec ma mère. Nous avons fait nos valises cet après-midi-là et elle m’a ramenée à la maison. Nous avons attendu les nouvelles, qui nous ont confirmé que mon père était mort. »

L’héritage de Fernando
La vie de Marelle et de Paul fut bouleversée à jamais car ils ont grandi sans leur père bien aimé. Le gouvernement français a versé des indemnités à sa famille, mais tous ses assassins n’ont pas été traduits en justice. Vingt ans plus tard, Marelle donne son avis sur la question.
« Ce que j’aimerais maintenant voir se produire… La justice pour nous, la justice pour la famille, s’ils pouvaient dire la vérité ce serait un début, et Mitterrand promettant la justice au plus haut niveau, si c’est cela la justice, laisser tant d’agents échapper à la prison, alors ce n’est pas la justice, pas à nos yeux et j’espère pas aux yeux du monde. Et il n’est jamais trop tard pour la justice. »

Le Rainbow Warrior se trouve à Rongelap pour faciliter l’évacuation des habitants de l’île vers Mejato. Rongelap a subi des retombées nucléaires en 1954, ce qui en fait un endroit dangereux pour cette communauté. Eyes of Fire : p49
Le 10 juillet 2010, jour du 25e anniversaire de la mort de Fernando, une gerbe a été déposée en son honneur. Peter Willcox, le capitaine du Rainbow Warrior la nuit de sa mort, lui a rendu cet hommage :
« Fernando ne devait pas mourir… Nous ne l’oublierons jamais. J’espère que les générations de militants qui navigueront sur le nouveau navire seront aussi déterminées, aussi exceptionnelles et aussi inspirées que lui. »
La mémoire de Fernando demeure une source d’inspiration pour les personnes qui militent pour un avenir vert et pacifique.
En 1995, le Rainbow Warrior II fut arraisonné par des commandos français, alors qu’il menait une nouvelle protestation contre les essais nucléaires dans l’atoll de Moruroa. Lorsqu’on demanda aux militants de Greenpeace leur nom, ils ne donnèrent qu’un seul nom : Fernando Pereira.
Images et documents Cartes
Une carte représentant l’atoll de Rongelap (rouge), Moruroa (violet), Auckland, Nouvelle-Zélande (vert).
Une carte illustrant les endroits clés du port de Waitemata, Auckland. Stanley Point (rouge) où les agents français ont embarqué leur zodiac et Marsden Wharf (violet) où se trouvait le Rainbow Warrior la nuit de l’attentat. Le pilote du zodiac s’est enfui vers Mechanic Bay (bleu) tandis que les plongeurs ont nagé vers Auckland Harbour Bridge (vert).
Rapport déclassifié du NZSIS
Remis à Greenpeace par le Service de renseignement de sécurité néo-zélandais (NZSIS) en juin 2017, ce dossier de quinze pages a été déclassifié en mai et fournit des informations utiles sur l’attentat et l’enquête. Des chronologies aux agents français impliqués, c’est un outil précieux pour quiconque étudie l’attentat. Cliquez sur l’image ci-dessous pour le consulter.
Dossier déclassifié du NZSIS 2017
Communiqué de presse de Greenpeace sur l’anniversaire de l’attentat, juillet 1986
Images
Des dizaines de collections d’images de Greenpeace sont disponibles sur notre site Media.
Pour découvrir l’histoire du Rainbow Warrior, y compris l’attentat, cliquez ici pour voir cette collection.
Vous trouverez ici des images de l’équipage à bord du Rainbow Warrior en 1985,dont le photographe Fernando Pereira.
Cette collection représente le navire sabordé à Matauri Bay.
Poster
Extrait des archives de Greenpeace.
Lettres
Communiqué de presse de Greenpeace sur l’anniversaire de l’attentat, juillet 1986.
Lettre ouverte au président français de la part de Français vivant en Nouvelle-Zélande, mai 1985.
Lettre du Rainbow Warrior au président français, mai 1985.
Message télégraphique d’Helen Clark à Greenpeace, juillet 1985.
Lettre de Greenpeace à Walter Lini, Premier ministre du Vanuatu, 1984.
Facture du conseil de l’agglomération de Mt Eden pour la réception du Rainbow Warrior, juin 1985.
Site de plongée interactif
Vous pouvez explorer l’épave du Rainbow Warrior sans même vous mouiller. Cliquez ici pour découvrir le site.
L’équipage du Rainbow Warrior
Qui faisait partie de l’équipage du Rainbow Warrior en 1985 ?
Capitaine – Peter Wilcox
Premier lieutenant – Martini Gotje
Second lieutenant – Bene Hoffman
Chef mécanicien – Davey Edward
Officier mécanicien en second – Hanne Sorensen
Troisième mécanicien – Henk Haazen
Matelot – Andy Biedermann (photo de 2005)
Matelot – Grace O’Sullivan
Matelot – Bunny McDiarmid
Cuisinière – Natalie Mestre
Photographe – Fernando Pereira
Autres membres de Greenpeace :
Directeur exécutif de Greenpeace International – David McTaggart
Militant de Greenpeace – Steve Sawyer
Les agents des services secrets français
Deux agents français ont purgé une peine de prison pour leur rôle dans l’attentat du Rainbow Warrior, mais plusieurs autres personnes ont participé à sa planification et à son exécution. Beaucoup de ces personnes ont tout simplement disparu.
Agents des services secrets français (DGSE) en Nouvelle-Zélande
Commandant de l’opération – Lieutenant Colonel Louis Pierre Dillais (alias Jean-Louis Dormond)
Reconnaissance / collecte d’informations – Christine Cabon (alias Frédérique Bonlieu), a infiltré le bureau de Greenpeace à Auckland.
L’équipe de l’Ouvéa
L’équipage du voilier Ouvéa qui a apporté du matériel et des explosifs en Nouvelle-Zélande.
Premier maître – Roland Verge (alias Raymond Velche)
Maître – Gérald Andries (alias Eric Audrenc)
Maître – Jean-Michel Bartelo (alias Jean-Michel Berthelot)
Médecin – Xavier Maniguet
Équipe de soutien
Ces agents se sont fait passer pour un couple suisse en lune de miel. Ils ont participé à l’opération en transportant des agents et du matériel dans leur camping-car.
Major Alain Mafart (alias Alain Turenge)
Capitaine Dominique Prieur (alias Sophie Turenge)
L’équipe chargée de l’attaque
Cette équipe comprend les nageurs de combat qui ont posé les bombes.
Jean Cammas (alias Jacques Camurier)
Jean-Luc Kister (alias Alain Tonel)
Gérard Royal
Coordinateur – François Verlet s’est brièvement joint à la fête sur le Rainbow Warrior mais est parti avant les explosions.
Gouvernement français
Président François Mitterrand
Premier ministre Laurent Fabius
Ministre de la Défense Charles Hernu
Militaires français
Chef de la DGSE (services secrets français) – Amiral Pierre Lacoste
Chronologie
L’attentat à la bombe du Rainbow Warrior a eu lieu le 10 juillet 1985, mais il était en préparation depuis des mois et a eu des répercussions sur plusieurs années.
1985
23 avril : L’agent française Christine Huguette Cabon arrive à Auckland et commence à travailler pour Greenpeace.
24 mai : Christine Huguette Cabon quitte la Nouvelle-Zélande.
13 juin : Le voilier français « Ouvéa » quitte Nouméa, Nouvelle-Calédonie, pour la Nouvelle-Zélande. À bord se trouvent les agents français Roland Verge, Gérald Andries, Jean-Michel Bartelo et Xavier Maniguet, avec à leur bord un zodiac, un moteur hors-bord, du matériel de plongée et des explosifs.
22 juin : Le voilier français Ouvéa arrive au port de Parengarenga, Northland. Les agents français Alain Mafart et Dominique Prieur arrivent à Auckland et louent un camping-car pour rencontrer l’équipage de l’Ouvéa.
23 juin : L’agent français Louis Pierre Dillais arrive à Auckland.
7 juillet : Le Rainbow warrior arrive à Auckland. Les agents français Jean Cammas et Jean-Luc Kister arrivent à Auckland pour perpétrer l’attentat.
9 juillet : Le voilier français « Ouvéa » quitte Whangarei pour l’île Norfolk.
10 juillet : Le Rainbow Warrior est coulé par deux bombes. Fernando Pereira est tué.
11 juillet : Les agents français Dillais, Cammas et Klister traversent le détroit de Cook pour rejoindre l’île du Sud.
12 juillet : Mafart et Prieur sont arrêtés par la police alors qu’ils retournaient leur camping-car. Le gouvernement français nie toute implication dans cet attentat.
15 juillet : Des inspecteurs de la police néo-zélandaise interrogent 3 membres de l’équipage de l’Ouvéa sur l’île Norfolk. Ils recueillent des preuves mais doivent les relâcher. Le voilier disparaît ensuite lors du voyage vers Nouméa et l’équipage réapparaît en France.
23 juillet : L’agent français Louis Pierre Dillais s’envole pour l’Australie.
26 juillet : Les agents français Jean Cammas et Jean-Luc Kister volent d’Auckland à Tahiti.
4 août : Mafart et Prieur sont accusés de meurtre.
8 août : Le Premier ministre français, Laurent Fabius, annonce l’ouverture d’une enquête pour déterminer les responsables de l’attentat. Bernard Tricot est chargé de mener l’enquête.
26 août : Le rapport d’enquête de Tricot blanchit les autorités françaises de toute implication dans l’attentat. Le rapport de Tricot indique que les agents ne faisaient que recueillir des renseignements sur les manifestations contre les essais nucléaires à Moruroa.
17 septembre : Le journal français Le Monde accuse la France d’être impliquée dans l’attentat.
20 septembre : Le ministre français de la Défense, Charles Hernu, démissionne et le chef de la DGSE, Pierre Lacoste, est démis de ses fonctions à la suite du scandale.
22 septembre : Le Premier ministre français, Laurent Fabius, fait une déclaration télévisée affirmant que des agents français de la DGSE ont coulé le Rainbow Warrior. Ils agissaient sur ordre et ne seraient donc pas punis.
4 novembre : Mafart et Prieur plaident coupable de l’accusation d’homicide involontaire et de dommages volontaires.
22 novembre : Mafart et Prieur sont condamnés à 10 ans de prison en Nouvelle-Zélande.
1986
Juillet : La France verse 13 millions de dollars néo-zélandais à la Nouvelle-Zélande. Prieur et Mafart sont envoyés sur l’atoll de Hao, en Polynésie française, pour y purger leur peine pendant trois ans. Le mari de Prieur la rejoint là-bas.
1987
2 octobre : La France est condamnée à verser à Greenpeace plus de 8,1 millions de dollars américains.
12 décembre : Le Rainbow Warrior est sabordé à Matauri Bay, au large de la côte du Northland.
14 décembre : Alain Mafart rentre en France pour cause de maladie. Il est ensuite décoré et promu.
1988
6 mai : Dominique Prieur rentre en France prématurément pour cause de grossesse. Elle est ensuite décorée et promue.


