« Aucune valeur limite n’a été dépassée. » On retrouve cette phrase dans presque toutes les études sur les pesticides dans l’alimentation. Dès lors, n’y aurait-il donc aucun problème? Une nouvelle étude de Greenpeace Suisse révèle le contraire. En réalité, même si les limites fixées sont rarement dépassées, les risques éventuels sur la santé des consommateurs existent et sont masqués à plusieurs niveaux. Greenpeace exige donc un changement de paradigme qui tienne compte de la valeur limite combinée de toutes les substances nocives.

La maladie de Parkinson, les maladies auto-immunes, le lymphome, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont des exemples de maladies notamment liées aux pesticides. Des limites pour les pesticides dans les aliments doivent être fixées de telle sorte que la santé des consommateurs soit assurée. En pratique, cela est tout autre. Dans l’étude « Pesticides : des valeurs limites suffisantes pour notre assiette? » Greenpeace Suisse montre que les valeurs limites basses servent avant tout à protéger les intérêts des agrochimiques que la santé des consommateurs.

Une grande ignorance
La dose journalière admissible (DJA) ressemble à un jeu de devinettes. Elle est généralement déterminée sur la base de l’expérimentation animale avec des souris et /ou des rats. On recherche le seuil de dose sans effet toxique (DSET). Cette valeur est tout simplement divisée généralement par 100 pour obtenir la DJA pour l’homme et ne se base sur aucun fondement scientifique. Car la sensibilité entre divers types de rats peut différer d’un facteur de 1 à plus de 800. Les êtres humains aussi peuvent réagir de manière très diverse, surtout les groupes les plus vulnérables, en particulier les bébés, pas suffisamment protégés. En outre, la DJA ne tient donc pas compte du fait que les substances qui agissent sur le même organisme peuvent s’additionner ou même multiplier leur effet par interaction. De plus, l’effet des additifs ne fait l’objet d’aucune étude.

La pire pratique comme référence
La procédure pour établir la valeur limite des pesticides dans les aliments est tout aussi discutable. Ainsi, le requérant (dans la plupart des cas le producteur de pesticides) doit mener huit à douze essais en plein champ dans différentes régions géographiques sur une certaine culture avec le pesticide en question. La valeur mesurée la plus élevée de résidus sert ensuite de base pour déterminer la valeur limite. C’est ensuite la médiane des résidus mesurés lors des tests en champ et non la valeur limite qui fait foi. Or, la médiane omet la moitié des valeurs mesurées et atteint en moyenne une valeur sept fois inférieure par rapport à la valeur limite, avec pour effet que la DJA peut être nettement dépassée pour certains groupes de la population.

Ajustements conformes aux souhaits de l’industrie
Il est également étonnant de constater l’adaptation fréquente des valeurs limites. Depuis juin 2014, l’Union européenne (UE) a adapté 42 fois des valeurs limites. Certaines valeurs ont été abaissées, suite à une sous-estimation de la toxicité (comme par exemple le chlorpyrifos). Mais dans la majorité des cas, les valeurs limites ont été revues à la hausse sur demande des producteurs, car la valeur limite en vigueur était trop souvent dépassée en raison de mauvaises pratiques agricoles. Cela prouve à l’évidence que les désirs de l’industrie et de l’agriculture priment sur les objectifs de santé publique.

Et Philippe Schenkel, chargé de campagne Agriculture de Greenpeace de souligner: «L’évaluation des risques et la fixation de valeur limites ne prennent pas en compte le mode de vie de la population. Chacun de nous est exposé aux pesticides et à d’autres substances chimiques qui peuvent interagir sur le même système ». La majorité de la population ingère par exemple davantage de plomb que ce qui est recommandé. L’évaluation des risques suppose qu’il n’y a pas d’autre source de pollution additionnelle. Un changement de paradigme est nécessaire: la réduction de la charge de pollution totale devrait être érigée en priorité.

La politique agricole devrait être orientée vers de meilleures pratiques et non pas en fonction des quantités de substances toxiques, que la majorité des producteurs est en mesure de respecter ou qu’ils acceptent. Pour les pesticides, une limite globale de 0,01 mg / kg devait être introduite, car il est tout à fait possible de produire des aliments sans pesticides.

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