La nature en Suisse se porte mal : plus d’un tiers de toutes les espèces animales et végétales sont menacées, leurs habitats disparaissent et des surfaces naturelles précieuses sont sacrifiées pour l’agriculture industrielle et le tourisme. Pour inverser le cap, des associations pour la protection de l’environnement et du paysage ont lancé deux initiatives populaires qu’elles souhaitent déposer à Berne au printemps prochain.

Le recul mondial de la biodiversité va de pair avec la crise climatique. Deux rapports alarmants publiés cette année par la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité (IPBES) et le Groupe d’experts sur le climat (GIEC), mettent en évidence les liens intrinsèques entre les deux phénomènes. Ainsi, les marais et les forêts ne sont pas seulement des surfaces naturelles de grande valeur écologique, ils sont aussi d’importants puits de CO2 et leur maintien est une manière peu coûteuse de contribuer à la protection du climat. Ou, pour reprendre les mots de l’ONU: «la nature est notre plus grande alliée dans la lutte contre les changements climatiques».

Pour protéger efficacement la nature, il faut des bases légales claires, une volonté politique de les mettre en œuvre et des moyens financiers pour des mesures concrètes. Or, la Suisse est encore loin de remplir ces conditions. Dans la loi sur l’aménagement du territoire par exemple, les exceptions tendent à devenir la règle, avec pour résultat de nouvelles constructions qui prolifèrent précisément là où il est interdit de construire, à savoir en dehors de la zone à bâtir. En outre, ce sont principalement des bâtiments destinés à l’agriculture industrielle qui occupent toujours davantage de surface de terres arables.

Deux initiatives populaires pour répondre aux attaques contre la protection de la nature et du paysage

Les interventions politiques visant à affaiblir la Loi sur la protection de la nature et du paysage n’ont pas cessé au cours de ces dernières années. L’une d’elles demandait notamment de placer les intérêts économiques des cantons au-dessus des intérêts de protection nationaux, et même des engagements internationaux (!). Alors que la stratégie nationale pour la biodiversité a été adoptée en 2012 déjà, il manque encore une volonté politique d’agir de façon résolue et, malheureusement dans certains cas, une compréhension de l’urgence des mesures de protection de la nature. Dans ce contexte, les politiciennes et les politiciens ont du mal à mettre à disposition les moyens nécessaires, exposant la protection de la nature en Suisse à un manque chronique d’argent.

Face à cette situation, quatre grandes organisations pour la protection de la nature et du paysage ont choisi de passer à l’offensive et ont lancé une double initiative pour inverser le cap : l’Initiative paysage contre le bétonnage de nos paysages, et l’Initiative biodiversité en faveur d’un avenir pour la nature et le paysage en Suisse.

Initiative paysage : stopper le boom des constructions hors de la zone à bâtir

L’Initiative paysage veut mettre un terme au bétonnage croissant de nos terres cultivables et poser des limites claires à la construction hors zones à bâtir. Elle demande de compléter l’article 75 de la Constitution fédérale sur l’aménagement du territoire avec l’article 75c qui contraint la Confédération et les cantons à garantir la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. La construction en dehors de la zone bâtir doit être soumise à des règles simples et claires : le nombre des bâtiments situés hors zone bâtir et la surface qu’ils occupent ne doivent plus augmenter, les bâtiments d’exploitation ne peuvent pas être transformés en logement et les changements d’affectation à des fins commerciales sans rapport avec l’agriculture ne sont plus admis.

L’initiative montre la voie pour la deuxième étape de la révision de la Loi sur l’aménagement du territoire. En chantier depuis des années, cette révision fait l’objet de tergiversations qui traînent en longueur en raison de la divergence des intérêts. Au terme du débat d’entrée en matière sur le projet du Conseil fédéral qui s’est tenu début décembre, l’objet a été transmis au Conseil des États. À noter que l’Initiative paysage a déjà été mentionnée lors des discussions et que ses exigences joueront certainement un rôle dans la suite des débats. Il est donc important que les signatures soient récoltées au plus vite!

Des constructions à perte de vue… (© zvg)

Initiative biodiversité : plus de surfaces et plus d’argent pour la nature

L’Initiative biodiversité s’inscrit dans la droite ligne de l’article constitutionnel sur la protection de la nature et du patrimoine qu’elle complète avec l’article 78a. Elle veut inscrire la protection de la nature, du paysage et du patrimoine bâti dans la Constitution et garantir qu’il y ait suffisamment d’espace et de moyens financiers pour la biodiversité. La surface actuelle et la qualité de nombreux habitats sont en effet nettement insuffisantes pour maintenir à long terme la diversité des espèces et les services écosystémiques. Il faut donc d’urgence plus de surfaces de qualité en faveur de la biodiversité.

La Suisse s’est aussi engagée internationalement en ce sens, puisque la Convention sur la diversité biologique exige des pays membres qu’ils protègent 17% de leur territoire. Avec seulement un peu plus de 6% de surface protégée, notre pays est la lanterne rouge en Europe. De plus, si nous voulons freiner le recul de la biodiversité en Suisse, il faut que les surfaces situées hors des zones protégées soient gérées dans le respect de la diversité biologique et que les habitats de qualité soient sauvegardés et connectés entre eux.

Plus d’un tiers des espèces végétales et animales sont menacées à cause de la destruction des habitats. (© Greenpeace / Ex-Press / Markus Forte)

L’initiative demande à la Confédération et aux cantons de désigner et de préserver les objets dignes de protection et de mettre à disposition les surfaces nécessaires pour sauvegarder la biodiversité. Ces mesures seraient une étape déterminante dans la réalisation de l’infrastructure écologique décidée par le Conseil fédéral en 2012. L’initiative doit aussi permettre disposer enfin des fonds indispensables pour préserver et promouvoir la biodiversité de manière efficace. Les moyens supplémentaires serviront à valoriser les zones protégées existantes, à financer la protection de nouvelles surfaces et à mettre en œuvre des mesures de conservation des espèces.

La biodiversité joue un rôle fondamental pour l’être humain. Notre bien-être et notre qualité de vie en dépendent directement. En plus de nous fournir denrées alimentaires, air et eau potable, des écosystèmes intacts permettent la fertilité du sol, nous protègent contre les dangers naturels et nous offrent de précieux lieux de détente. La biodiversité est également la base de notre développement économique. Nous avons donc tout intérêt à préserver la diversité naturelle suisse.

Sprint final pour la récolte des signatures : votre aide est nécessaire!

Depuis le lancement des deux initiatives populaires il y a neuf mois, leur importance n’a fait que se confirmer. En même temps, les résultats des élections fédérales laissent espérer que la prochaine législature permettra enfin de ne pas faire les choses à moitié dans le domaine de la protection de la nature et du paysage. Les initiants souhaitent donc pouvoir déposer au plus vite les initiatives. À ce jour, il manque encore environ 18’000 signatures pour chacune. Aidez-nous à mener à bien la récolte des signatures!